Portrait de Christian Brunier – Le management par la bienveillance

2 février 2020

Portrait de Christian Brunier – Le management par la bienveillance

Par Odile Habel

Ancien président du Parti socialiste genevois (PS), aujourd’hui à la tête des Services Industriels de Genève (SIG), Christian Brunier, 56 ans, est un patron atypique qui a introduit le principe de bienveillance au sein de l’entreprise.

Q uelques secondes. Pas beaucoup, entre dix et vingt, moins de trente, en tout cas. C’est le temps qu’il faut à Christian Brunier pour mettre à l’aise un interlocuteur. Charismatique, détendu – il avoue ne pas connaître le stress – il préside depuis 2014 aux destinées de SIG où l’a conduit un parcours professionnel atypique. « J’ai quitté l’école pour un CFC d’employé de commerce, car je voulais surtout faire de la musique et être indépendant. J’ai eu la chance d’être soutenu par mes parents dans ma décision, dit-il. J’ai ensuite travaillé dans l’informatique où je me suis formé sur le tas. J’étais le seul à ne pas être diplômé, alors j’ai fait un diplôme de chef de projet suivi d’une formation sur la conduite du changement. »

En 2006, il rejoint la direction générale de SIG, d’abord en tant que Directeur de l’innovation et de la communication, puis comme Directeur des Services partagés. Seul à ne pas être universitaire, Christian Brunier passe alors un MBA. « C’est un diplôme important dans un CV, bien plus que mes années en tant que président du Parti socialiste genevois, mais c’est pourtant au PS que j’ai appris le plus. C’est une école de la vie fantastique. »

A 18 ans, Christian Brunier adhère au Parti socialiste. Par élimination. « Je viens d’une famille très politisée avec un grand-père cheminot, ancien résistant, et syndicaliste à la CGT. Je me suis très vite intéressé à la politique et j’ai toujours été un homme de gauche. Lorsqu’il a fallu choisir un parti, j’ai pensé aux Verts, mais je n’aimais pas leur représentant de l’époque. Quant au Parti du travail, à l’époque, il était staliniste. » Ce sera donc le Parti socialiste, dont il devient président en 1997. Il participe avec succès à sa reconstruction. Le résultat : deux socialistes entrent au Conseil d’Etat et l’Alternative de gauche obtient une majorité historique au Grand Conseil.

Mon père était orphelin de guerre. Il a été adopté, mais n’a pas eu la vie facile. Mais il n’a toujours voulu voir que les bons côtés de la vie

Une victoire. Pourtant son plus beau souvenir politique, Christian Brunier ne le doit pas à un verdict des urnes, mais au fait « d’avoir pu modifier des vies en soutenant des demandeurs d’asile ». Convaincu que la bienveillance est essentielle au fonctionnement humain, Christian Brunier a mis en place, au sein de SIG, l’ambitieux projet «EquiLibre », qui réinvente le travail dans une philosophie de bonheur pour les collaborateurs. « La majorité des entreprises fonctionnent selon le principe de la surveillance. A SIG, le management repose sur la confiance. » Une philosophie qui se traduit pour les 1700 collaborateurs de l’entreprise par des aménagements dynamiques, le choix de l’espace de travail en fonction des besoins, la possibilité de travailler à distance, une autonomie renforcée, des horaires à la confiance… Une démarche qui a valu à SIG d’être couronnée par le dernier prix de l’Excellence publique et, pour la cinquième année consécutive, par le prix Bilan des meilleurs employeurs romands.

Mais Christian Brunier ne s’endort pas sur ses lauriers. « Cela ne va pas assez vite. » Pour la transition énergétique aussi, le moment est venu de mettre les bouchées doubles. « Les derniers classements de l’Office fédéral de l’énergie ont placé le SIG en tête des fournisseurs d’électricité dans la transition énergétique. Mais nous allons accélérer la cadence, pour ramener les objectifs climatiques que nous nous étions fixés de 2050 à 2035. Genève a la capacité de devenir un modèle mondial. » L’efficacité. Mais sans marche forcée, sans agitation. « Je ne crois pas à la théorie du chaos et de la souffrance pour réussir. »

La méthode Christian Brunier, c’est celle de la confiance dans la vie. « Je le dois probablement à mes parents. Mon père était orphelin de guerre. Il a été adopté, mais n’a pas eu la vie facile. Mais il n’a toujours voulu voir que les bons côtés de la vie. »

Pour le patron de SIG, ceux-ci passent par sa famille, ses amis, les expositions, les voyages – « je me sens très citoyen du monde » – et, bien sûr, le jazz. « Je joue encore du saxo mais pas assez. Quand j’étais jeune, comme j’étais un très bon lecteur de jazz, je faisais souvent des remplacements de dernière minute, ce qui m’a permis de me produire avec des orchestres de haut niveau. »

Des regrets ? « Aucun, je ne regrette jamais rien. »

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