Traditionnellement, le diplôme académique était présenté comme la « voie de l’excellence ». De très nombreuses universités et écoles, partout dans le monde, ont bâti leur réputation sur la valeur des diplômes, qu’elles délivraient. Aujourd’hui, ces diplômes académiques apparaissent plus comme une somme de savoirs et de connaissances mais ne constituent en rien un savoir-faire et encore moins un savoir-faire professionnel.
Contrairement à la Suisse, la France et les principaux pays européens du Sud ont multiplié ces diplômes académiques au cours des dernières décennies, croissance sans rapport avec l’évolution des métiers et des professions. Sans renier la qualité et la valeur de ces formations diplômantes, force est de constater qu’elles sont de plus en plus inefficaces à transmettre de véritables compétences, transposables immédiatement dans le monde du travail.
Obtenir des diplômes, sanctionnant un cursus de 4, 5 ou 6 années, n’a aucun sens s’il faut poursuivre, par la suite, par une période plus ou moins longue afin d’acquérir le savoir-faire professionnel, né de ces connaissances. C’est ce virage à 180° qu’a su prendre le système éducatif suisse en le rendant plus proche du monde professionnel, et que la France (et les autres pays) devra prendre à un moment ou à un autre.
Cette inadaptation du diplôme académique a une autre conséquence dans les pays concernés. Si ces diplômes académiques sont, par définition, moins adaptés à décrocher un emploi qualifié qu’une formation professionnelle, ils n’en restent pas moins prestigieux dans l’esprit collectif. Alors qu’un doctorat en sciences humaines, par exemple, représentait, il y a quelques décennies, un sésame pour un emploi prestigieux garanti, il n’offre plus aujourd’hui de perspectives professionnelles évidentes, à moins de compléter cette formation par un cursus plus « professionnalisant ».
En résumé, un étudiant obtenant ce diplôme n’obtiendra pas l’emploi, qui lui aurait été promis il y a quelques années. A la désillusion s’ajoute donc une forme de déclassement, que certains ont qualifié de scolaire. Loin d’être anecdotique, ce déclassement scolaire affecte profondément l’état d’esprit des plus jeunes et de toute une classe d’âge, rendant la nécessité de repenser le système éducatif encore plus urgente.
Sylvie Aubry