Que penser des benchmarks climatiques ?

18 octobre 2023

<strong>Que penser des <em>benchmarks</em> climatiques ?</strong>

Par Dries Cornilly, Investment Manager, Asteria IM

Dans un monde faisant face au changement climatique, les indices de référence climatiques sont apparus comme une solution facile pour les investisseurs passifs cherchant à aligner leurs portefeuilles actions sur un avenir durable. Ces derniers intègrent des objectifs liés à la réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) et à la transition vers une économie à faible émission de carbone au travers de la sélection ainsi que de la pondération des positions en portefeuille. Les deux versions les plus connues sont le Climate Transition Benchmark (CTB) et le Paris-Aligned Benchmark (PAB) de l’UE. Les deux ont des critères similaires axés sur la décarbonisation. L’objectif du CTB est de protéger les actifs contre les risques d’investissement, liés au changement climatique et à la transition vers une économie à faible émission de carbone, tandis que le PAB est destiné à être à l’avant-garde de la transition immédiate vers un scénario de 1,5 °C. Le PAB est en effet aligné sur les objectifs de l’Accord de Paris de limiter les températures moyennes mondiales à une augmentation de moins de 2°C par rapport aux niveaux préindustriels.

Cela semble formidable, pourtant prudence. Un PAB ou un CTB d’un fournisseur d’indices reflète-t-il fidèlement les préférences que vous avez en tant qu’investisseur ? Ces règles sont-elles suffisamment transparentes et le portefeuille final reflète-t-il correctement les données fournies ou les avoirs sont-ils intraçables ?

Contrairement à ce que leur nom indique, il ne s’agit pas vraiment d’indices de référence au sens traditionnel du terme, mais plutôt d’un ensemble de règles. Or ces règles laissent une grande marge de manœuvre, comme le montrent les différentes mises en œuvre par MSCI, Scientific Beta, S&P et d’autres fournisseurs de données. Plus il y a de règles, plus la part active est importante. L’iShares MSCI World Paris-Aligned Climate UCITS ETF a une part active de plus de 25 %. Il ne s’agit pas d’un investissement passif typique, même si la structure de l’ETF peut vous inciter à ne pas vous en rendre compte.

L’objectif de décarboner un portefeuille n’est pas le même que celui de décarboner l’économie réelle. Le premier encourage à réaffecter le capital à des entreprises à faible émission de carbone, plutôt qu’à des entreprises ayant fortement réduit leurs émission ou proposant des solutions. Considérons un monde idéal où toutes les entreprises décarbonisent à un rythme de 7% par an. Intuitivement, n’importe quel portefeuille devrait convenir. Cependant, supposons que je veuille substituer un investissement dans une entreprise technologique par une entreprise de services publics actives dans les renouvelables dont l’intensité de carbone est plus importante. Soudainement, mon portefeuille global présente un taux de décarbonisation inférieur à 7%, même si mon investissement est plus pertinent pour un avenir à faible émission de carbone. C’est pourquoi il est contre-productif d’étudier les taux de décarbonisation au niveau d’un portefeuille dont les titres changent. Il l’est encore plus d’appliquer un taux de décarbonisation au niveau du portefeuille ou de comparer les intensités de carbone avec un indice de marché général. Dans l’exemple simplifié, n’importe quel portefeuille est acceptable parce que, quels que soient les avoirs et les sous-jacents, le portefeuille est aligné sur l’accord de Paris, alors que le reste de l’économie en est loin.

Lorsqu’on investit, il ne faut pas seulement se concentrer sur les entreprises à faibles émissions, mais aussi sur celles qui doivent décarboniser et qui ont des plans de transition crédibles, avec des objectifs intermédiaires en place. Également aux entreprises qui proposent des solutions pour réussir à décarboniser une partie de l’économie.

Les benchmarks climatiques sont de simples règles mais aspirent à devenir des outils de la transition. Leur efficacité dépend de notre capacité à comprendre leurs nuances, à les adapter à différentes préférences et à les utiliser comme catalyseurs d’une action climatique significative. Pour ce faire, il faut prendre des décisions actives, et non suivre passivement certaines règles. Ce n’est qu’ainsi que nous pourrons orienter notre planète vers un avenir plus radieux et plus durable.

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