La Grande reprise de l’économie mondiale n’est pas encore arrivée

20 mars 2024

La Grande reprise de l’économie mondiale n’est pas encore arrivée

Par Arthur Jurus, Head of Investment Office banque privé ODDO BHF Schweiz

L’économie mondiale a été résiliente malgré deux chocs d’une rare intensité. Premièrement, l’envolée de l’inflation qui a touché le monde en 2021 et 2022 a largement diminué. Le taux d’inflation mondial, qui avait atteint plus de 10% fin 2022, se situe désormais autour de 5%. En Europe, l’inflation est retombée en dessous de 3%, se rapprochant ainsi de l’objectif de 2%. La montée de l’inflation a incontestablement réduit le pouvoir d’achat des ménages, mais sans déclencher de récession.

Deuxièmement, la hausse importante des taux d’intérêt s’est également stabilisée, les banques centrales estimant que leurs mesures de resserrement sont suffisantes. Elles envisagent même de commencer un assouplissement monétaire dans les mois à venir. Bien que la hausse des taux d’intérêt ait rendu le financement plus cher, l’économie a largement absorbé ces effets restrictifs, exception faite de l’impact sur les prêts hypothécaires. Les marchés du travail sont restés robustes et aucune forte augmentation du chômage n’a été nécessaire pour freiner l’inflation.

Ces prochains mois, la désinflation restaurera la confiance des consommateurs et stimulera la consommation, tandis que des taux d’intérêt plus bas allégeront les pressions financières sur les entreprises et encourageront l’investissement.

Néanmoins, cinq facteurs limitent une plus forte reprise de l’économie mondiale.

Les disparités entre les régions restent importantes et limitent les effets d’entraînement au niveau mondial. En 2023, les États-Unis ont connu une croissance du PIB dépassant leur potentiel, tandis que l’Europe était confrontée à la stagnation et que la Chine n’a pas pu amorcer une reprise durable malgré l’assouplissement des restrictions sanitaires. Cette répartition inégale de la croissance mondiale contribue à son pessimisme. Selon les estimations du FMI, la croissance mondiale devrait se situer autour de 3% cette année, contre une tendance entre 3,5% et 4% avant la pandémie.

Les finances publiques se sont détériorées. Avec des taux de refinancement plus élevés, les gouvernements sont désormais contraints de surveiller de près leur trajectoire d’endettement. Cette situation pourrait se traduire par des politiques fiscales plus restrictives. La dette souveraine est désormais plus risquée que le crédit des entreprises.

Le commerce mondial continue à se fragmenter. Le libre-échange n’est plus considéré comme une vertu bénéficiant à tous les pays. Les politiques industrielles, de sécurisation des chaînes d’approvisionnement pour préserver l’indépendance nationale se multiplient. En conséquence, le commerce mondial stagne depuis deux ans. Cette tendance se prolongera.

Les risques politiques sont toujours plus importants. En 2024, environ soixante-dix pays représentant environ la moitié de la population mondiale organiseront des élections. L’élection présidentielle américaine du 5 novembre est la plus importante et pourrait mener à de nouvelles baisses d’impôts et de nouvelles taxes sur les importations depuis la Chine en cas d’élection de Donald Trump.

Les risques géopolitiques s’intensifient. Les tensions diplomatiques entre la Chine et les États-Unis à l’ère du numérique sont susceptibles de se poursuivre. En Europe, le conflit en Ukraine se poursuit et le désengagement financier des États-Unis sera une difficulté pour des pays européens dans un environnement de taux élevés. Au Moyen-Orient, les nombreux conflits restent un risque pour l’approvisionnement énergétique mondial soit en termes de prix, soit en termes de délais d’approvisionnement. Ces conflits alimentent la fragmentation continue du commerce mondial mais accélèrent aussi les tendances de long terme : la digitalisation, la transition énergétique, la consolidation des acteurs sur les chaînes d’approvisionnement et l’intelligence artificielle.

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