Un retour à la réalité ? Pourquoi les marchés réévaluent-ils les risques ?

7 août 2024

<strong>Un retour à la réalité ? Pourquoi les marchés réévaluent-ils les risques ?</strong>

Par Gregor M.A. Hirt, Global CIO Multi Asset, AllianzGI

Les marchés mondiaux s’attendaient à ce que les données américaines soient plus faibles, ce qui justifierait les baisses de taux de la Réserve fédérale. Confrontés à la réalité de chiffres plus faibles, sous la forme du rapport sur l’emploi américain de vendredi, ils ont pris peur. Cette situation survient dans un contexte de faiblesse générale du secteur technologique un phénomène que le resserrement des taux de la Banque du Japon n’a rien fait pour atténuer. Bien que ce sell-off puisse être exagérée à moyen terme, les investisseurs devront s’adapter aux conséquences.

Plusieurs facteurs se sont conjugués pour déclencher un important mouvement de liquidation au Japon. Bien que ces facteurs ne soient pas entièrement liés, toute réaction du marché peut devenir autoréalisatrice en raison d’une forte hausse récente des marchés et de la faible liquidité pendant un mois de vacances. En outre, des pics soudains de volatilité à partir de niveaux très bas obligeront certains investisseurs à se replier.

Nous pensons que les facteurs suivant sont à surveiller :

Le rapport sur l’emploi américain publié le 2 août a révélé une hausse inattendue du chômage, mais nous ne pensons pas que ces données rendent une récession américaine inévitable. Selon nous, ce rapport réduit encore la probabilité d’un « non-atterrissage » (où l’économie continue de croître malgré les efforts de la banque centrale pour freiner l’inflation) et augmente les chances d’un atterrissage en douceur ou d’une récession. Notre scénario de base reste pour l’instant un atterrissage en douceur, mais nous restons conscients du risque de récession. Certains investisseurs ne se sont pas positionnés en fonction de la probabilité d’une récession (comme en témoigne la récente très faible volatilité) et l’activité récente du marché indique une réévaluation saine des perspectives. Cette réévaluation du risque explique en partie pourquoi l’indice VIX, connu sous le nom de « l’indice de la peur » de Wall Street, a atteint son niveau le plus élevé depuis 2022.

L’absence de nouvelles favorables lors du récent troisième plénum de la Chine, un examen quinquennal approfondi de la politique sociale et économique, a également renforcé l’incertitude quant aux perspectives. Bien que la déclaration ait fait allusion à des mesures visant à soutenir la consommation, peu de détails ont été fournis.

À première vue, les dernières données américaines justifient des baisses de taux de la Réserve fédérale américaine (Fed), ce qui, tout bien considéré, est positif pour les marchés. Dans cet environnement, cependant, les mauvaises nouvelles sont désormais des mauvaises nouvelles. Les marchés ignorent – du moins pour l’instant – le potentiel de bonnes nouvelles sous la forme de baisses de taux imminentes et d’une diminution du risque d’inflation. Malgré cela, nous surveillerons toutes les données américaines pour confirmer que notre scénario d’atterrissage en douceur reste valable et que le risque de récession est maîtrisé. Bien que les données « micro » sur la consommation des ménages américains ne soient pas particulièrement bonnes (voyages, restaurants, etc.), elles ne sont pas dramatiquement mauvaises. En fait, elles cadrent plutôt bien avec un ralentissement contrôlé de l’économie américaine. Même avec les données de vendredi, le chômage américain reste à un niveau très bas. Si d’autres données négatives apparaissent, une réallocation plus importante des actions vers les obligations pourrait avoir lieu, mais après un rallye des rendements récemment observé, le potentiel semble limité.

Les bénéfices publiés par les sept plus grandes entreprises de technologie n’étaient pas si mauvais, mais le problème est que les attentes étaient élevées. En effet, une enquête de Bank of America a mis en évidence une très longue exposition des acteurs du marché aux valeurs technologiques, de sorte qu’une prise de bénéfices à court terme est normale. Nous pensons que les arguments d’investissement à long terme en faveur de la technologie restent valables dans un contexte de révolution de l’IA et de darwinisme numérique.

Selon nous, le facteur le plus critique, et potentiellement négligé, ayant un impact sur la stabilité financière mondiale est la décision prise la semaine dernière par la Banque du Japon de relever son taux d’intérêt directeur. De nombreux investisseurs utilisaient le yen pour le financement et le portage en raison de la volatilité prévisible de la monnaie. L’intervention inattendue de la banque a effectivement « cassé » ces transactions, ce qui a entraîné d’importantes réallocations de la part des investisseurs qui les ont clôturées. Au-delà du marché japonais des actions, ce changement pourrait avoi aussi un impact sur les marchés émergents, comme le peso mexicain, et pourrait également expliquer en partie la faiblesse du Nasdaq.

Comment les investisseurs doivent-ils réagir ?

Même s’il s’agit d’une réaction du marché à la faiblesse des données, et non d’un changement radical des fondamentaux, les investisseurs doivent prendre en compte les implications de cet environnement.

Compte tenu de la correction excessive et de l’appréciation de la monnaie, nous pensons qu’il est trop tard pour réduire les actions japonaises. La question est plutôt de savoir s’il faut augmenter le yen en tant que valeur refuge, et si une nouvelle appréciation de la monnaie entraîne une plus grande volatilité du marché.

En ce qui concerne les actions américaines, nous ne privilégions que de modestes positions longues dans nos portefeuilles multi-actifs fondamentaux et nous serons attentifs aux prochaines données économiques américaines ainsi qu’à l’issue des élections américaines.

Toute nouvelle hausse des rendements dépendra des données économiques américaines à long terme. Les rendements pourraient être inférieurs à court terme si l’incertitude du marché persiste en raison du retournement du marché des actions et du fait que de nombreux investisseurs sont toujours en position neutre en termes de trésorerie et d’obligations. Selon nous, les pentifications de la courbe devraient être maintenues pour le moment.

Il faut continuer à surveiller les marchés du crédit. Bien que la Fed soit susceptible d’être relativement optimiste quant à la volatilité des marchés actions (qui fait partie de son modèle financier), elle est plus susceptible d’intervenir si les marchés du crédit semblent vulnérables. Cette action prendrait probablement la forme d’autres types d’intervention sur le marché plutôt que celle d’une réduction des taux entre les réunions.

Le dollar américain pourrait s’affaiblir davantage si la Fed procède à une baisse anticipée de 100 points de base en 2024, ce qui constitue également un facteur critique pour la dette des marchés émergents. Ces derniers pourraient également avoir du mal à digérer les dernières nouvelles en provenance de Chine.

En résumé, les investisseurs à long terme actuellement sur la touche devraient attendre plusieurs jours avant de saisir l’occasion de revenir sur le marché, car les ventes forcées pourraient se poursuivre en raison de la hausse de la volatilité.

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