Un monde nouveau, des dirigeants d’hier

3 août 2025

Un monde nouveau, des dirigeants d’hier

Les images sont familières : un président qui peine à marcher, un sénateur qui ne se souvient plus de la question posée, un chef d’État accroché à son pupitre avec la fébrilité d’un monde qui s’effondre. Jamais dans l’histoire récente n’a-t-on vu autant de figures politiques de premier plan afficher un âge aussi avancé. Aux États-Unis, Joe Biden, 81 ans, briguait un second mandat malgré les inquiétudes sur sa santé. Donald Trump, son rival républicain, n’est guère plus jeune. Au Sénat américain, la moyenne d’âge dépasse les 65 ans. En Europe, la relative jeunesse d’Emmanuel Macron fait figure d’exception, mais combien d’autres dirigeants restent en place bien au-delà de l’âge de la retraite, souvent contre vents et marées ? Et dans d’autres régions du globe, en Russie, en Afrique, en Asie, les exemples sont tout aussi frappants. Pourquoi assiste-t-on à cette obstination ? Pourquoi tant de dirigeants âgés s’accrochent-ils à leur fonction, quelquefois au mépris de leur propre lucidité ou de l’intérêt collectif ? La réponse tient sans doute à une forme de nostalgie du temps d’avant, un univers qu’ils ont façonné, qu’ils comprennent encore, mais qui, silencieusement, leur échappe. Ces hommes (et quelquefois ces femmes) d’influence semblent animés par la volonté de perpétuer des schémas anciens, des logiques de gouvernance linéaires, verticales, hiérarchiques, dans un contexte devenu horizontal, accéléré, complexe. S’ils restent en poste, c’est probablement aussi parce qu’ils ne savent désormais être sans cette autorité qu’ils incarnent depuis des décennies. Pour eux, abandonner les rênes, c’est alors reconnaître que l’époque a changé sans eux.

Or, cette époque a bel et bien changé. Les défis contemporains (crise climatique, intelligence artificielle, fracture entre générations, inégalités globalisées) exigent de nouvelles approches, de nouveaux récits. Pourtant, nombre de dirigeants actuels s’entêtent à répondre aux enjeux du XXIe siècle avec les outils du XXe. On légifère avec lenteur face à l’urgence climatique, on régule mal les technologies exponentielles, on mène des guerres de territoire dans un contexte désormais interdépendant. Mais derrière cette obstination se cache une réalité troublante : l’irresponsabilité générationnelle. Car ceux qui aujourd’hui prennent des décisions stratégiques majeures ne seront souvent pas là pour en subir les conséquences. Ils peuvent jouer avec la dette publique, ignorer les signaux écologiques, retarder les réformes éducatives ou sociales, sans en payer le prix. Ce sont les jeunes générations, moins représentées, souvent marginalisées dans les sphères d’influence, qui devront un jour assumer les résultats de ces choix, réparer les erreurs, vivre dans les ruines ou rebâtir.

Un rajeunissement de la classe politique est-il forcément gage de renouveau ? ? Rien n’est moins sûr. La jeunesse n’est pas un gage automatique de clairvoyance ni de courage. Nombre de jeunes leaders reproduisent les logiques anciennes, par mimétisme ou par peur de perdre l’approbation des anciens cercles d’influence. Le changement ne viendra pas automatiquement avec l’âge, mais avec une transformation profonde de la culture politique : davantage d’écoute, une meilleure co-construction, une transparence accrue, une humilité renforcée.

Cependant, une chose est certaine : une génération qui vivra encore cinquante ans a objectivement un intérêt supérieur à bâtir un avenir durable que celle qui en a seulement dix devant elle. Le lien entre responsabilité et temporalité est fondamental. Il est temps de remettre l’avenir entre les mains de ceux qui ont un avenir. Ce n’est pas un appel à balayer les anciens, mais à rééquilibrer la balance, à faire place à une nouvelle génération prête à conjuguer innovation et conscience. Ce que nous observons aujourd’hui n’est vraisemblablement rien d’autre qu’un dernier sursaut d’un cycle en fin de vie, une illusion de continuité dans un contexte déjà transformé. L’histoire nous enseigne que les grandes mutations naissent souvent dans le fracas des ruptures entre jeunes et anciens. Il serait temps d’écouter la jeunesse, non pas comme une menace, mais comme une promesse. Car elle seule portera demain les cicatrices des décisions prises aujourd’hui.

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