Par Martina Honegger-Romahn, Lead Portfolio Manager Fixed Income chez AllianzGI en Suisse, en amont de la réunion du 21 mars 2024 de la Banque nationale suisse
En 2022, alors que l’inflation sévissait dans la plupart des pays développés, la Banque nationale suisse en a profité pour abandonner les taux d’intérêt négatifs et entamer la réduction de ses réserves de devises étrangères. Comme prévu, le franc suisse s’est considérablement apprécié par rapport à l’euro, ce qui a permis de contenir les pressions inflationnistes externes. Ce fut un succès retentissant pour la BNS : dans le cycle actuel, l’inflation n’a pas dépassé 3,4 %, l’économie suisse a continué à croître et le chômage n’a pas dépassé 2,5 %.
Deux ans plus tard, la BNS est à nouveau confrontée à un franc suisse potentiellement surévalué dans un contexte économique dégradé. La Banque nationale suisse a déjà commencé à réduire son bilan, ce qui est l’une des raisons pour lesquelles le franc suisse s’est affaibli par rapport à l’euro (EUR/CHF 0,96 contre 0,92 en janvier 2024) et environ trois baisses de taux d’intérêt sont prévues d’ici décembre. Contrairement à la Fed et à la BCE, la BNS est moins sous pression de réduire ses taux : la Suisse n’est pas confrontée à une crise de l’immobilier commercial et son taux directeur n’est que de 1,75 %, contre 4,5 % pour la BCE et 5,5 % pour la Fed. La véritable préoccupation de l’économie suisse est la valorisation du franc suisse, qui a la capacité de faire entrer la Suisse en récession, car elle pourrait nuire au secteur des exportations.
Si la BNS ne suit pas la BCE et la Fed dans la baisse des taux, la valeur du franc suisse augmentera très probablement. Ni la BCE ni la Fed ne devraient réduire leurs taux avant le mois de juin. C’est pourquoi nous pensons que la BNS adoptera une approche « attentiste ». Elle surveillera probablement le taux de change EUR/CHF et le laissera poursuivre sa trajectoire de dépréciation par rapport à l’euro. À moins que l’EUR/CHF ne se soit sensiblement affaibli d’ici juin, la BNS réduira probablement ses taux, à l’instar de la BCE et de la Fed. Pour ces raisons, la BNS ne devrait pas abaisser ses taux d’intérêt lors de la réunion du 21 mars.
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