Par Kevin Thozet, membre du comité d’investissement, Carmignac
Jusqu’à présent, l’inflation a été le principal décideur des « choix » de politique monétaire. Maintenant que la désinflation se confirme, l’attention se tourne désormais vers l’évolution des salaires et la dynamique du marché du travail.
Pour la Réserve fédérale, les chiffres de l’inflation du mois de juin ont finalement apporté des signaux encourageants. La composante « super core » de l’inflation qui exclut les prix les plus volatiles et accorde une place plus importante aux services – une des mesures favorites de la Fed – a cessé de progresser. Les publications d’inflation des trois prochains mois sont attendues à 0,2% en glissement mensuel, une progression cohérente avec l’objectif d’inflation annuelle de 2% de la Fed. Un réel soulagement.
Du côté du marché de l’emploi, les signaux demeurent positifs, avec des demandes d’allocations chômage inférieures aux attentes (228 000, soit un plus bas en deux mois et 22 000 de moins que prévu). Et les salaires continuent de croître à un rythme annuel de 6%.
Ces éléments suggèrent que M. Powell, président de la Fed, pourrait adopter une approche encore plus progressiste en matière de politique monétaire. Cela se traduirait par un ralentissement de la trajectoire de hausse des taux. La décision définitive quant à la dernière hausse de taux sera prise lorsque l’on observera des signes tangibles de ralentissement du marché du travail.
Dans ce contexte, une nouvelle séquence alternant hausses de taux de 0,25% et pause – soit une hausse de 0.25% tous les 2 mois – semble envisageable. Ainsi, nous nous attendons à ce que les taux directeurs soient relevés de 0,25% lors de la réunion du 26 juillet, avec la possibilité de voir une hausse de plus pour la réunion de novembre – si tant est que les données sur le front de l’emploi des mois de septembre et d’octobre confirment une accalmie du marché du travail.
Une hausse remontant les taux de dépôts de 3,5% à 3,75% en juillet semble acquise ; tout comme la hausse supplémentaire attendue pour le mois de septembre, ce qui les porterait in fine à 4%.
L’inflation sous-jacente devrait baisser dans la région à partir d’octobre et les publications économiques indiquent un environnement de croissance très faible. La politique monétaire de la BCE fonctionne. Elle se transmet bien à l’économie réelle. Mais le risque de la voir resserrer excessivement est élevé en raison des différentes réalités économiques des pays membres. Par conséquent, le mois de septembre pourrait bien marquer la fin de ce cycle de hausses de taux exceptionnel. Les marchés obligataires semblent pouvoir faire face à cette situation.
Ainsi le principal risque du coté de la BCE réside dans la gestion de son bilan.
Après les opérations de prêts à bon compte auprès des établissements bancaires (TLTRO1), et le programme d’achat d’actifs de 2014 (APP2), le programme d’achats d’urgence face à la pandémie (PEPP) pourrait être le prochain à se voir amender. Ce programme d’achat d’actifs mis en place en mars 2020 doit mettre fin aux réinvestissements de ses retombées obligataires d’ici la fin de l’année 2024. Le risque de voir cette échéance avancée de 6 mois (soit à juin 2024) est bien réel. D’autant que cela peut constituer une forme de concession de la part de certains membres du Conseil des Gouverneurs en vue d’une pause, voire d’un arrêt, dans ce cycle de remonter des taux d’intérêt.
En résumé, la Fed et la BCE devraient suivre une trajectoire similaire en matière de remontée des taux directeurs. Soit une à deux hausses d’ici l’automne et le maintien des taux d’intérêt à ces niveaux jusqu’à ce que l’inflation revienne à 2%.
Tout du moins telles sont leurs intentions. Cette détermination sera mise à l’épreuve à l’approche de la fin d’année quant le ralentissement de la conjoncture économique pèsera davantage sur le marché du travail (une condition nécessaire pour voir l’inflation revenir à son objectif affiché).
Cependant, leurs approches respectives vis-à-vis de leur bilan pourrait bien constituer une source de divergence. La Fed s’efforce de rendre cette réduction du bilan aussi discrète que possible, tandis que la BCE pourrait l’accélérer sur ce front et précipiter la diminution de son bilan. Un scénario qui pourrait avoir des répercussions adverses sur les primes de risques des émetteurs souverains en zone euro.
¹ Opérations ciblées de refinancement à plus long terme
² Programme d’Achat d’Actifs.
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