Les rapports internationaux (notamment le dernier rapport du GIEC), les études scientifiques, les enquêtes sociales, les tendances sur les réseaux sociaux, tout converge vers le constat accablant du mauvais état de la planète et de la nature, de la dégradation des repères culturels, d’une fuite vers un individualisme mettant à mal les solidarités au sein de nos sociétés.
Nous gaspillons les ressources naturelles, dégradons l’environnement, et surexploitons les possibilités de la planète et les populations. En outre, les organisations sociétales traditionnelles basées sur l’entraide, notamment intergénérationnelle ont été mises à mal par de nouvelles valeurs individualistes comme le bonheur ou la réussite. Les systèmes de compensation des inégalités sociales et de répartition des richesses sont à bout de souffle, déstabilisés par une mondialisation qui fragilise les outils politiques. Mais…
Aux quatre coins du monde naissent des mouvements, des élans, des initiatives, des organisations, qui veulent réparer tout ce qui a été abîmé. Restaurer la biodiversité, rénover l’habitat, réparer et réutiliser au lieu de jeter, recréer du lien social, toutes ces activités, en dehors des schémas commerciaux et spéculatifs, prouvent qu’il y a tant à faire et que chacun aura sa place.
Depuis la sortie de la Seconde Guerre mondiale, les sociétés occidentales ont accéléré leur quête d’un niveau d’équipement et de confort sans limite. Urbanisation, artificialisation, exploitation, automatisation, consumérisme…la liste des atteintes aux équilibres est longue.
Bien sûr on peut apprécier nos maisons pleines, nos multiples écrans connectés, mais si nous regardons en coulisses quel est le prix à payer pour tout cela, la satisfaction a un goût amer…
Pour se gaver, l’Occident pille, gaspille, exploite, pollue, soudoie, soumet, au détriment de populations et d’écosystèmes qui nous paraissent si lointains. L’objectif recherché d’offrir du bonheur est-il atteint ? Même pas…
La crise du coronavirus a mis en lumière nos fragilités individuelles et collectives, bousculé nos certitudes et nous a fait nous questionner sur la réalité de notre bonheur apparent, basé sur des contingences matérielles parfois futiles. Alain Souchon chante qu’on nous fait croire que le bonheur c’est d’en avoir plein nos armoires, or notre quête de confort et de sérénité nous a en réalité mené vers une amertume et une lassitude sans réel remède.
Le refuge que pouvaient constituer le foyer familial, la communauté de vie et de travail se délite à mesure que les liens se distendent entre les générations, que les regards sont rivés sur nos écrans et non plus sur notre voisin, que le commerce en ligne nous fait quitter le magasin, que la vie citoyenne se fait virtuelle et anonyme…
Notre environnement naturel et social est abîmé, la capacité à garantir notre bien-être et celui des générations à venir est compromise, notre confiance en l’avenir et dans les institutions est fragile…et ce n’est pas l’inondation insupportable d’informations toutes plus négatives les unes que les autres qui va changer la donne.
Que se passe-t-il après des inondations, des incendies, après les tempêtes, après la guerre ? Petit à petit, la vie reprend ses droits et, réunis face à ces terribles fléaux, les populations se retrouvent dans une solidarité de circonstance pour reconstruire, réparer, recréer, relancer. Les situations difficiles à travers le monde incitent déjà à prendre le chemin de la réparation.
Des ONG tentent de restaurer la biodiversité, d’accompagner les populations sur tous les continents pour repenser leur habitat, leur agriculture, la gestion de la ressource en eau. Scientifiques et ingénieurs travaillent de concert pour innover, réduire la consommation d’énergie et trouver des alternatives durables aux énergies fossiles.
Des collectifs de citoyens inventent de nouvelles façons de consommer, d’habiter, d’interagir, cultiver et se cultiver. On recycle, on réutilise, on répare, on consomme d’occasion… Des bénévoles s’engagent pour prendre en charge les détresses sociales, psychologiques et humanitaires.
Pour le moment, le sentiment d’urgence peine à s’imposer malgré les alertes multiples sur l’état du Monde et de l’Humanité et les réussites des initiatives diverses sont plus le fait de convictions personnelles que de réels schémas économiques offrant de l’emploi. On se rend pourtant compte que les enjeux sont immenses si nous voulons un environnement de vie acceptable et il est certain que les efforts vont devoir être plus organisés, plus coordonnés, quitte à rogner sur les extravagances de la libre concurrence et de la mondialisation. Si ce constat n’est pas encore partagé par tous, ni acquis, il va s’imposer aux conservateurs de tous poils par la force des choses.
Dans ce contexte de crise sanitaire qui doit nous ouvrir les yeux sur la fragilité d’un monde qu’on croyait maîtriser, il est temps de prendre conscience de la tâche qui nous attend pour réparer les dégâts de nos excès. Plutôt que d’en faire une corvée amère en accusant son prochain de tous les maux qui nous touchent, elle doit devenir une formidable occasion de créer une solidarité volontaire et joyeuse pour réparer par la même occasion le cœur des gens.
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