En février 2022, Bpifrance lançait son deuxième fonds accessible au grand public, « Entreprises 2 », avec un ticket d’entrée à 3000 euros, dans un monde qui, selon la légende, compte plus facilement en millions d’euros. Au-delà de l’outil de financement pour des entreprises non cotées, le lancement de ce fonds est aussi l’occasion de faire un peu mieux connaitre le private equity, ce continent de la finance quasi inconnu du grand public.
Partons d’une définition : le private equity consiste, pour un investisseur privé ou institutionnel, à prendre des participations dans une entreprise non-cotée en bourse, pour participer à son développement. Avec, comme objectif final, de revendre ces participations après plusieurs années afin de réaliser une plus-value. Il s’agit donc, pour l’investisseur, de choisir les entreprises ayant un potentiel de développement prometteur. Ce rôle de prospection revient aux fonds de private equity, car la bonne identification des cibles est primordiale pour limiter les risques.
La presse spécialisée en parle de plus en plus, le private equity devenant, année après année, plus accessible. « C’est une classe d’actifs à part entière qui représente un soutien fondamental et indispensable tout au long du cycle de vie de l’entreprise, explique Stéphane Van Huffel, directeur général de Netinvestissement. Particulièrement attractif sur le plan de la rentabilité et des performances, il consiste à prendre des participations (minoritaires ou majoritaires) dans le capital des entreprises (petites ou moyennes). Cette prise de participation dans le capital vise à apporter des capitaux frais en haut de bilan et est le plus souvent minoritaire et sans garantie. L’objectif est bien évidemment de réaliser une plus-value à la sortie, après 5 à 8 ans en général, le temps que les investissements réalisés aient porté leurs fruits. » Il existe quatre principales formes de private equity : le capital-risque, Le capital-développement (ou capital-croissance), le capital-transmission et le capital-retournement.
A l’échelle mondiale, le secteur du private equity est en plein essor. Selon le Global Private Equity Report 2021, l’année 2020 – malgré le ralentissement de l’économie mondiale dû à la crise sanitaire mondiale – a vu une progression de 8% par rapport à 2019 avec 592 milliards de dollars d’investissements. Les entreprises bénéficiaires évoluent principalement dans les nouvelles technologies, les biens industriels, les services financiers et la santé. Les chiffres de 2021 seront publiés en mars prochain, mais la tendance devrait encore s’accélérer avec le rebond de l’économie mondiale.
Si les Etats-Unis restent la place forte des fonds de capital-investissement, l’Europe et la France ne sont pas en reste. Le marché français est constitué de fonds de tailles très diverses. Il y a les géants comme Ardian, nº1 français, PAI Partners ou Astorg Partners, mais aussi des entreprises plus petites qui se font une place sur ce marché comme Citizen Capital, Ciclad Entreprise ou Seventure Partners. Sans compter les divisions dédiées de certaines grandes banques et compagnies d’assurance.
Les deux principales tendances du private equity sont aujourd’hui bien identifiées : la high-tech et les entreprises mettant les critères ESG (environnement, social, gouvernance) au cœur de leur stratégie RSE. Selon le baromètre du capital-risque du cabinet d’audit EY, la « French Tech » n’a jamais autant attiré de capitaux qu’en 2021, avec 11,57 milliards d’euros. « Les compteurs ont littéralement explosé, puisque ce montant représente plus du double de ce qui avait été réuni en 2020, le précédent record », souligne Les Echos.
Le nº1 français du secteur, Ardian chasse dans la cour des grands : l’entreprise française évolue à la fois sur son marché domestique, sur le marché européen et partout sur la planète. Gérant 125 milliards de dollars d’actifs, ce fonds d’investissement cible pour ses investisseurs les entreprises réalisant au moins 50 millions d’euros de chiffre d’affaires. « Les entreprises ont une croissance en escalier et nous les aidons à passer certaines marches, explique Laurent Foata, directeur d’Ardian Growth. On finance des sociétés technologiques en croissance qui sont déjà rentables et jusque-là autofinancées mais qui ont besoin de fonds pour accélérer, notamment à l’international. » En 2021, Ardian a par exemple levé « le plus grand fonds de l’histoire du LBO français » avec 7,5 milliards d’euros.
Mais il n’est pas question que de rentabilité pour les fonds de private equity. La tendance de fond est l’orientation des investissements vers les secteurs durables et les énergies vertes comme l’hydrogène. « Au-delà des bénéfices en termes de sensibilisation et d’encouragement, l’intérêt pour les équipes d’investissement [envers les critères ESG] est de faire émerger les meilleures pratiques instaurées par les gérants et les dirigeants, et d’en faire bénéficier l’ensemble du portefeuille, explique Candice Brenet, Managing Director, Head of Sustainability & Digital Transformation chez Ardian. Ces critères font l’objet d’un suivi de plus en plus poussé tout au long de la durée de partenariat avec les entreprises que nous accompagnons ».
Sur le marché français, d’autres fonds de capital-investissement ciblent des entreprises présentant des caractéristiques différentes, comme les petites PME. En février par exemple, Ciclad Entreprise – un fonds dit « very small cap » – a finalisé une levée de 70 millions d’euros, réunissant les partenaires habituels de Ciclad, mais aussi des investisseurs institutionnels français à l’échelle régionale (filiales d’assureurs et de banque, caisses de retraite…). « Nous avons eu un intérêt marqué d’entrepreneurs, que nous connaissions ou de leur cercle d’amis, explique Stéphane Billon, associé gérant de Ciclad, qui apportent un total de 15 millions d’euros avec des tickets de 0,3 à 1 million. Nous n’avons pas fait de démarche spécifique, c’est plutôt dû au bouche-à-oreille, mais c’est une satisfaction car nous partageons un ADN commun avec ces souscripteurs. »
De plus en plus, les fonds de private equity mettent en effet le développement local et durable au cœur de leurs stratégies d’investissement. Cette stratégie a un fort impact, tant au niveau des investisseurs que du grand public de plus en plus attentif à l’éthique des entreprises. Actuellement, Citizen Capital est en train de lever des fonds – objectif 120 millions d’euros – pour son nouveau véhicule baptisé Mission Driven Growth III. « Nous avons grandi avec le marché de l’investissement à impact, depuis notre création en 2008. Aujourd’hui, on se rend compte que l’impact constitue un actif stratégique pour l’entreprise, analyse la co-fondatrice de Citizen Capital, Laurence Méhaignerie. L’entreprise est attendue par ses salariés comme par les consommateurs sur la réponse à des besoins fondamentaux pour les hommes et la planète. On constate que les entreprises qui ont de fortes capacités d’innovation et de développement peuvent contribuer significativement à répondre à ces besoins. »
Les différentes stratégies des fonds de capital-investissement – vers les secteurs durables comme les énergies vertes, vers le développement local ou les nouvelles technologies – correspondent aux grandes tendances des économies modernes, en accord avec la taxonomie européenne qui poussent les Etats européens à drainer les investissements vers les activités ayant un impact positif sur l’environnement. Pour les investisseurs, c’est un fait, le private equity est devenu un rouage incontournable du financement des entreprises.
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