Par Prof. Dr. Jan Viebig, Chief Investment Officer d’ODDO BHF SE
« …Au tournant du millénaire, les investisseurs se sont rués en masse sur les actions Internet et ont fait grimper leurs cours à des niveaux insensés. Aujourd’hui encore, les signes semblent être à la hausse sur les grands marchés boursiers, et les titres technologiques liés à la numérisation et à l’intelligence artificielle sont à nouveau au centre de l’attention.
Il y a environ 25 ans, à l’époque de la bulle spéculative des dotcoms et du nouveau marché, la situation boursière était d’une absurdité sans pareille. Les indicateurs éprouvés comme l’observation du cash-flow, de l’évolution des bénéfices ou du taux d’endettement étaient dépassés. Les investisseurs qui s’y accrochaient se désespéraient face aux valorisations énormes d’idées commerciales folles dont les chances de succès n’avaient jamais été testées sur le marché.
Des indicateurs comme le taux de cash burn – la rapidité avec laquelle une entreprise pouvait dilapider ses liquidités – étaient en revanche la référence pour un investissement…
Sur le Neuer Markt de la Bourse de Francfort, les faillites n’ont pas été aussi spectaculaires. Mais là aussi, près de 200 milliards d’euros d’argent des investisseurs ont été détruits par le biais de start-ups – ou comme on aime à le dire à la bourse : l’argent n’a pas disparu, il est juste ailleurs_…. Les bulles spéculatives sont indissociables de l’activité boursière. La première des temps modernes a été la vague de spéculation sur les bulbes de tulipes qui a éclaté en février 1637 en Hollande…. Des exemples plus récents sont la bulle de l’argent dans les années 1970, à laquelle les frères Hunt ont largement participé, la bulle immobilière au Japon dans les années 1980 et bien sûr la bulle immobilière aux États-Unis qui a éclaté en 2007, provoquant l’effondrement de la banque d’investissement Lehman Brothers et déclenchant une crise internationale des banques et de la dette publique….
Mais toute hausse rapide des cours ne débouche pas nécessairement sur une exagération donnant naissance à une bulle financière. Les signes infaillibles sont une hausse des valorisations qui n’est plus compréhensible rationnellement, une euphorie générale quant aux prétendues chances de s’enrichir rapidement en bourse et une forte augmentation de l’endettement… Aujourd’hui encore, les valorisations sur le marché des actions ont fortement augmenté. Mais nous sommes encore loin des niveaux atteints par exemple lors de la bulle dotcom à la fin des années 1990 (voir illustration). Aujourd’hui, le ratio cours/bénéfice (PER) de toutes les sociétés informatiques dont les actions sont cotées dans l’indice S&P 500 est de 40,9. En 2000, le PER des sociétés informatiques de l’indice S&P 500 était de 73,4, soit près du double du niveau actuel. Le rendement des capitaux propres des entreprises informatiques du S&P 500 est actuellement de 29,8 % en moyenne. En 2000, la moyenne du rendement des capitaux propres des valeurs informatiques du S&P 500 n’était que de 18,3 %.
Graphique : Rapport cours/bénéfices (PER) des actions de l’indice S&P 500 et du sous-indice S&P 500 IT, respectivement en 2000 et actuellement. Source : Bloomberg.
…Au cours des dix dernières années, depuis 2014 – la valeur pour 2024 étant basée sur une estimation des acteurs du marché – le cash-flow disponible a été multiplié par 2,5 pour le S&P 500 et par 4,5 pour les « Sept Glorieuses » qui tirent particulièrement le marché vers le haut (Apple, Amazon, Alphabet, Meta, Microsoft, Nvidia et Tesla). Nous ne déduisons pas de ces chiffres une surévaluation générale du marché des actions en tant que tel, mais plutôt la constatation que de nombreuses entreprises sont déjà si fortement valorisées que la marge de manœuvre des cours s’est réduite. C’est pourquoi nous investissons de manière très sélective dans des entreprises ayant un modèle d’affaires convaincant et une valorisation attrayante.
Ce faisant, nous intégrons dans nos réflexions la possibilité d’une chute des cours, éventuellement brutale, sur les marchés boursiers. Ce n’est toutefois pas notre scénario principal et nous profiterions plutôt des phases de faiblesse pour augmenter nos positions sur le marché des actions à des prix d’achat plus avantageux.
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