Après presque 10 années au gouvernement, toujours aussi impliqué pour la collectivité, Pierre Maudet en redemande. Son diagnostic sur les maux dont souffre Genève, d’une redoutable acuité, son programme politique concret et pragmatique et son volontarisme à tout crin pourraient bien lui permettre de revenir par la grande porte au Conseil d’État le mois prochain.
S’il est un homme qui croit au volontarisme politique, c’est bien Pierre Maudet. Empoigner à bras le corps les problèmes, faire bouger les lignes, c’est clairement dans l’action que l’ancien conseiller d’État se sent heureux. Alors bien sûr, il y a les casseroles du passé, ce péché originel du voyage à Abu Dhabi qui a arrêté provisoirement ? – une carrière fulgurante. Mais l’homme semble avoir pris la mesure de ses erreurs et affiche une humilité qui ne relève pas que du calcul politique. Et pour cause : la lessiveuse médiatique est passée par là, les « amis » d’hier se sont éloignés, son parti lui a tourné le dos, la justice est en embuscade et la solitude l’a poussé à la remise en question et à la réflexion. Sur lui-même bien sûr et les erreurs qui ont fait dérailler son incroyable carrière politique, mais aussi sur Genève et ses problèmes.
Au fond, que Pierre Maudet veuille revenir pour lui-même, comme l’en accusent tant de ses contempteurs ou pour Genève, importe peu. Car dans cette campagne électorale atone – les élections sont pour le début du mois prochain – l’animal politique a su mettre le doigt sur les maux dont souffre le canton, aussi bien que sur les attentes des Genevois : une opulence financière en trompe l’œil qui n’incite pas à innover, un entre-soi politique qui marginalise une large part de la population, au risque de voir le canton s’aliéner bien des talents, les sourdes inquiétudes d’un tissu économique local malmené par le covid et la crise énergétique, sans compter une population inquiète de l’avenir et souvent déçue par des réponses politiques jugées insuffisantes…
Alors, l’homme déroule ses solutions, construites avec des candidats choisis pour leurs compétences ; des projets clairs et chiffrés destiné à convaincre les électeurs genevois : une caisse maladie publique cantonale, la réorganisation du service public tant l’administration « tatillonne », est déconnectée des besoins la population et des entreprises, une centrale hydroélectrique transfrontalière pour contribuer à « repenser le Grand Genève », encore insuffisamment décloisonné, et même enfin, entre autres propositions, un renouvellement de la sociologie du Grand conseil, sclérosé par une surreprésentation des fonctionnaires, des avocats et des milieux associatifs.
Résultat : la liste de son mouvement « Libertés et Justice sociale », forte de 29 candidats d’âges, – le plus âgé a… 92 ans ! -, d’horizons et de parcours divers, se veut l’incarnation de cette ambition réformatrice, avec une liste « qui ressemble et rassemble les gens ». « Mon sentiment est que les Genevois attendent une vraie alternative fondée sur des actions et des discours différents, alors que les inégalités se creusent, les loyers augmentent et les primes d’assurance maladie explosent, observe-t-il. Au cours des 5 dernières années, la population a clairement ressenti une perte de maîtrise. »
Avoir la maîtrise : tout le volontarisme de Pierre Maudet s’incarne dans ce credo. Au risque comme l’en accusent certains, de ratisser sur les terres du MCG avec un positionnement politique ni droite ni gauche et un programme qui viserait à fédérer les mécontents ? Ces accusations en tout cas le laissent de marbre : « Libertés et Justice sociale n’est pas un mouvement contre qui ou quoi que ce soit et en encore moins sur une rhétorique anti-frontalière, lâche-t-il. Nous ne surfons pas sur les inquiétudes des gens, mais nous cherchons plutôt à y répondre avec des solutions réfléchies, ciblées, concrètes et pragmatiques en retenant les idées sur leur pertinence et non sur leur orientation partisane ». Alors MCG Pierre Maudet ? Vraiment pas. Car son ADN plus que jamais, reste celui d’un radical adepte d’un Etat fort, qui investit pour l’économie et l’emploi, capable d’agir, de réformer, sans pour autant brider la nécessaire libre entreprise.
Reste une question : Pierre Maudet pourra-t-il gagner son pari ? L’homme en tout cas, a un bilan politique plutôt positif, avec entre autres à son actif au gouvernement, l’opération Papyrus qui a régularisé plusieurs milliers de travailleurs sans-papiers résidant depuis plusieurs années dans le canton, dont une majorité de femmes travaillant dans l’économie domestique, l’audace d’avoir osé réformer une loi sur la police qui datait de 1957 et une refonte de la loi sur les taxis, sans compter une énergie qui a bien souvent séduit les Genevois. En outre, malgré l’affaire d’Abu Dhabi qui l’a plombé, l’élection complémentaire au Conseil d’État en 2021 s’est certes soldée par une défaite, mais avec un score plus qu’honorable. Si on y ajoute la configuration politique actuelle, marquée par l’absence de candidats charismatiques au profil politique charpenté et structuré, il se peut fort que Genève qui de notoriété publique, n’aime pas les têtes qui dépassent, en élise une au début du mois prochain.
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