Perspectives relatives aux actions : décrypter les forces contradictoires des politiques, des bénéfices et des primes

15 septembre 2025

Perspectives relatives aux actions : décrypter les forces contradictoires des politiques, des bénéfices et des primes

Par Aneeka Gupta, Director, Macroeconomic Research, WisdomTree

Le premier semestre 2025 a été marqué par un paradoxe. L’inflation globale s’est atténuée, mais les risques tarifaires et géopolitiques ont augmenté. Dans l’ensemble, les indices actions ont progressé, mais le leadership est resté étroit et l’étendue du marché s’est affaiblie. Les rendements obligataires de longue maturité ont oscillé, tandis que le dollar a chuté, la Réserve fédérale (Fed) ayant marqué une pause après une première baisse de 100 points de base. Les primes de risque actions présentent désormais un écart important : environ deux pour cent aux États-Unis, six pour cent en Europe, et sept pour cent au Japon et dans l’univers plus large des marchés émergents. Au cours des douze prochains mois, les décisions d’allocation dépendront de ces marges de valorisation, de la divergence des trajectoires politiques et de l’évolution des dynamiques commerciales.

États-Unis : solides résultats, faible marge de valorisation

2025 est déjà l’année où les marchés boursiers américains ont accusé leur plus forte sous‑performance par rapport aux marchés internationaux depuis 1993. L’idée d’une fin de l’exceptionnalisme américain a gagné en popularité, portée par l’incertitude sur les droits de douane de Trump, l’expansion du déficit budgétaire, le recul du dollar et le lancement de DeepSeek.

Illustration 1 : Les actions mondiales hors États-Unis surperforment les actions américaines avec l’écart le plus élevé depuis 1993

Source : Bloomberg, WisdomTree, du 1er janvier 1987 au 22 juillet 2025, Écart de rendement total d’une année sur l’autre entre l’indice MSCI World ex-US et l’indice MSCI USA. Les performances historiques ne garantissent pas les performances futures, et tout investissement est susceptible de perdre de la valeur.

Une correction brutale de 12 % a suivi le choc tarifaire du « Jour de la libération » en avril, bien que l’indice se soit ensuite redressé grâce au regain d’enthousiasme pour les leaders de l’intelligence artificielle (IA). Cinq très grandes capitalisations (Nvidia, Microsoft, Apple, Broadcom et Oracle) représentent 22 %[1] de la capitalisation boursière et concentrent la majeure partie de la croissance des bénéfices attendue pour 2025, estimée entre 7 et 9 %. Les petites entreprises et les secteurs cycliques continuent de souffrir de coûts de refinancement élevés et de la hausse des prix des intrants.

Bien que Washington ait conclu une trêve tarifaire limitée avec l’Union européenne (UE), la structure tarifaire plus large des États-Unis reste non résolue et comprend désormais des droits généraux sur les importations suisses. Le taux effectif de la taxation commerciale des États-Unis est passé de 3 % à environ 15 %. Les entreprises ont réagi en renforçant les programmes de rachat, qui pourraient atteindre mille milliards de dollars cette année, et en accélérant la relocalisation de leurs chaînes d’approvisionnement. Avec une ERP à son plus bas niveau pluri-décennal, toute hausse supplémentaire des actions américaines repose soit sur la poursuite de résultats bénéficiaires continus de quelques grandes entreprises, soit sur des avancées concrètes dans le domaine commercial.

Europe : impulsion politique et valorisations attractives

L’année 2025 marque le retour en force de l’Europe. Huit des marchés boursiers les plus performants au monde sont européens, grâce à la baisse des coûts énergétiques ainsi qu’à l’assouplissement de la règle budgétaire en Allemagne. Au cours des cinq dernières années, les États-Unis ont surperformé l’Europe de près de 23,5 % en dollars américains, grâce à une croissance des bénéfices plus soutenue[2]. Le secteur financier a enregistré un taux de croissance composé des bénéfices de 9 % sur cinq ans, trois fois plus rapide que celui des banques américaines, tandis que les services publics, l’industrie et les matériaux orientés sur le marché intérieur ont surperformé les leaders de l’exportation.

Illustration 2 : Europe versus États-Unis : écart de performance et TCAC du BPA sur cinq ans

Source : Bloomberg, WisdomTree, du 2 juin 2020 au 2 juin 2025, sur la base des indices MSCI, calculs en dollars américains. Les performances historiques ne garantissent pas les performances futures, et tout investissement est susceptible de perdre de la valeur.

Avec un ratio cours/bénéfices (P/E) proche de quinze, contre vingt-six aux États-Unis, l’Europe offre une marge de valorisation significative. La croissance des bénéfices devrait reculer de 4 % en 2025 avant de rebondir de 12 % en 2026, grâce à un programme de dépenses de 500 milliards d’euros destiné aux infrastructures, à la défense et aux investissements verts[3]. Dans l’ensemble, les droits de douane américains sur les importations suisses renforcent la compétitivité relative des producteurs allemands de biens d’investissement, des marques de luxe françaises et italiennes, ainsi que des entreprises pharmaceutiques paneuropéennes, ce qui constitue un vent favorable supplémentaire. Un euro plus fort pourrait atténuer une partie de cet avantage, mais l’ERP de 6 % et l’impulsion croissante du crédit maintiennent l’Europe attractive pour une surpondération.

Marchés émergents : la demande intérieure prend le dessus

L’indice MSCI Emerging Markets affiche une progression de 9 % depuis le début de l’année et demeure valorisé avec une décote de 31 % par rapport aux marchés développés[4]. Quatre facteurs sous-tendent cette progression. Premièrement, les valorisations ont commencé 2025 à des planchers comparables à ceux de la crise. Deuxièmement, de nombreuses banques centrales ont anticipé le resserrement et disposent désormais d’une marge pour réduire les taux. Troisièmement, le réalignement des chaînes d’approvisionnement réoriente le commerce et l’investissement. Quatrièmement, les portefeuilles mondiaux restent sous-pondérés en actions des marchés émergents.

L’Amérique latine illustre cette tendance. La région a été la moins performante des ME en 2024, mais a progressé de 26,3 % en 2025[5], portée par une hausse de 54 % en Colombie et des rebonds de 31 % au Mexique et au Chili. La Colombie, le Mexique et le Chili ont pris la tête grâce à la hausse de la demande en cuivre et en lithium. Les actions brésiliennes demeurent bon marché malgré l’instauration de nouveaux droits américains sur les exportations d’acier, du fait de la baisse des taux nationaux et de l’amélioration de la situation budgétaire.

L’Asie du Nord tire parti de l’expansion rapide des infrastructures matérielles destinées à l’IA. La Corée et Taïwan dominent le marché de la mémoire à large bande passante et des services de fonderie avancés, tandis que le récent accord entre les États-Unis et la Corée sur les semi-conducteurs supprime un surcroît d’incertitude réglementaire.

Illustration 3 : Taïwan, leader mondial sur le marché des fonderies de semi-conducteurs logiques

Source : Boston Consulting Group, Semiconductor Industry Association, 2024. Les performances historiques ne garantissent pas les performances futures, et tout investissement est susceptible de perdre de la valeur.

L’Inde continue de croître à près de 6 %, soutenue par la démographie et les dépenses en infrastructures, bien que les valorisations ne soient plus bon marché. Les droits de douane américains de 50 % menacent la compétitivité des exportations indiennes et soulèvent des questions sur les ambitions du Premier ministre Narendra Modi de transformer le pays en un centre de fabrication majeur, les exportateurs se préparant à une baisse des commandes ainsi qu’à d’éventuelles suppressions d’emplois. L’impact économique pourrait être atténué par le fait que l’économie indienne est tirée par la demande intérieure plutôt que par les exportations, de sorte que les réformes gouvernementales visant à renforcer la confiance des consommateurs et des entreprises seront essentielles pour favoriser la croissance.

Les principaux risques pour les ME restent l’impact de la hausse des droits de douane ainsi qu’une éventuelle flambée du dollar. Néanmoins, les ERP supérieures à 7 %, notamment pour les pays orientés vers la demande intérieure et les exportations de matières premières, continuent de soutenir les actions des ME.

Japon : les réformes de la gouvernance libèrent de la valeur

La réforme des entreprises a fait évoluer le Japon d’un marché axé sur la monnaie vers un marché centré sur la création de valeur. Les annonces de rachat ont dépassé 17 000 milliards de yens en mai, et la moitié des entreprises du marché principal se négocient encore en dessous de leur valeur comptable. Le nouvel accord commercial entre les États-Unis et le Japon garantit un accès sans droits de douane pour les composants critiques de l’automobile, des batteries et des semi-conducteurs, éliminant ainsi un obstacle externe majeur.

Les bénéfices du Topix restent stables cette année, mais devraient augmenter de 3 % en 2026 et de 9 % en 2027[6]. Un multiple prévisionnel inférieur à 14X et une ERP proche de 7 % font du Japon l’un des rares marchés développés offrant de la qualité à un prix raisonnable. Les leaders des secteurs de la finance, des services domestiques et de l’automatisation industrielle semblent les mieux placés, les gains salariaux et la courbe des taux plus pentue soutenant la demande intérieure. L’inflexion de la Banque du Japon (BoJ) vers une politique moins restrictive continue de soutenir les actions du pays. Si les droits de douane américains en ont été le déclencheur direct, l’assouplissement de l’inflation par les coûts a également joué un rôle. Le nouvel accord commercial stratégique entre les États-Unis et le Japon a garanti un accès sans droits de douane aux composants clés pour l’automobile, les batteries et les semi-conducteurs, tout en renforçant les incitations aux initiatives conjointes de R&D, supprimant ainsi un obstacle externe majeur pour les champions japonais de l’exportation et validant le réajustement du marché guidé par la gouvernance. Nous prévoyons que les hausses de taux reprendront en avril 2026, à un rythme davantage aligné sur la situation économique du Japon.

Conclusion

Aux États-Unis, en Europe et au Royaume-Uni, les rendements à 10 ans sont globalement revenus aux niveaux observés avant la crise financière et devraient rester soutenus, les banques centrales devant concilier risques de croissance et pressions inflationnistes persistantes liées à l’incertitude tarifaire.

Illustration 4 : Comparaison des primes de risque sur actions à l’échelle mondiale

Source : Bloomberg, WisdomTree, au 30 juin 2025. Veuillez noter que la prime de risque sur actions (equity risk premium, ERP) est définie comme le rendement anticipé des bénéfices moins le rendement réel des obligations à 10 ans. Les performances historiques ne garantissent pas les performances futures, et tout investissement est susceptible de perdre de la valeur.

C’est pourquoi les actions mondiales abordent le deuxième semestre 2025 avec des primes de risque désormais très inégales. L’ERP des États-Unis, réduite à 2,2 % après une décennie d’expansion des multiples, offre peu de compensation face aux chocs macroéconomiques ou politiques. En revanche, l’ERP de l’Europe s’élève à près de 6 %, celle du Japon à 7 % et celle des marchés émergents dans leur ensemble à 7,5 %. Cette divergence plaide pour une allocation barbell. Il convient de maintenir une exposition aux innovateurs structurels américains tout en réallouant du capital supplémentaire vers les régions à prime plus élevée, où une grande partie du risque est déjà intégrée.

Pour découvrir l’ensemble des Perspectives de marché de WisdomTree, veuillez cliquer ici.

[1] Bloomberg, au 22 juillet 2025.

2 Bloomberg, Performance du MSCI USA par rapport au MSCI Europe, du 30 juin 2020 au 30 juin 2025.
3 Bloomberg, au 30 juin 2025.

4 Bloomberg, WisdomTree, au 30 juin 2025.

5 Bloomberg, Indice MSCI Latin America, du 31 décembre 2024 au 30 juin 2025.
6 Bloomberg, FactSet, au 30 juin 2025.

Retrouvez l’ensemble de nos articles Business

Recommandé pour vous

A la Une
L’Europe entrepreneuriale
Depuis une dizaine d’années, l’Europe s’impose comme un terrea…
A la Une
L’avenir incertain
Depuis toujours, l’avenir échappe à toute certitude. Pourtant, à l’h…
A la Une
Quel est le rapport entre les couvertures de change et les crédits américains?
Photo Ian Horn © Muzinich Par Ian Horn, gestionnaire de portefeuille chez Muzini…
A la Une
Les allocations dans les infrastructures devraient augmenter de 20 % dans le cadre d’une...
Les investissements dans les infrastructures sont apparus comme une stratégie cl…
A la Une
Muzinich & Co.: Weekly Update – Une évidence ?
Le mois de septembre a démarré lentement, avec des facteurs saisonniers défavora…
A la Une
Perspectives des matières premières : Résilience face au réalignement de l’année du Serpent
Par Nitesh Shah, Head of Commodities and Macroeconomic Research, WisdomTree Lors…