Par Prof. Dr. Jan Viebig, Chief Investment Officer, ODDO BHF SE
Les investisseurs sont plus inquiets. L’économie américaine s’affaiblit. L’aggravation du conflit au Moyen-Orient affecte le marché pétrolier. Mais malgré ces évolutions, les indices actions continuent de grimper. Les réductions observées et anticipées des taux d’intérêt directeurs par les banques centrales, et la nouvelle initiative du gouvernement chinois qui laisse espérer un renforcement de l’environnement économique mondial, y contribuent. En tout cas, contrairement aux précédentes annonces, les investisseurs ont cette fois réagi avec euphorie aux annonces de Pékin. Nous proposons de faire le point sur la situation actuelle des marchés financiers.
Il y a un peu plus d’un an, le Hamas a lancé son attaque meurtrière contre la population civile en Israël. Depuis lors, ce conflit a coûté la vie à d’innombrables victimes en Israël, dans la bande de Gaza et au Liban, et a provoqué d’immenses souffrances dans toute la région. L’extension des combats au Liban et l’intensification des échanges de coups avec l’Iran augmentent le risque d’un embrasement de ce conflit au Moyen-Orient. En réponse à la récente attaque de missiles en Irak, le gouvernement israélien envisage une attaque contre les installations nucléaires iraniennes et les infrastructures pétrolières en Irak.
Le point sensible de l’économie mondiale est le détroit d’Ormuz. Il s’agit d’un passage de 55 kilomètres de large qui relie le golfe Persique à l’océan Indien. L’année dernière, environ 20 millions de barils de pétrole brut, de condensats et de produits pétroliers en provenance d’Arabie saoudite, des Émirats arabes unis, du Koweït, d’Irak et d’Iran ont été transportés chaque jour par ce détroit. Ce volume correspond à environ un cinquième de la consommation mondiale. Un blocage prolongé du transit pourrait entraîner des perturbations de l’approvisionnement énergétique, des augmentations massives des prix et aurait probablement des conséquences graves sur toute l’économie mondiale.
La récente escalade du conflit au Liban et entre l’Iran et Israël a déjà eu un impact sur le marché. Le prix du pétrole brut Brent a temporairement augmenté jusqu’à 81 dollars le baril. Récemment, la situation s’est quelque peu calmée : le Brent se négocie actuellement à environ 78 dollars. Les risques politiques et économiques liés aux attaques contre les navires dans le détroit d’Ormuz sont également importants pour l’Iran. Mais rien ne garantit que la raison l’emporte sur les tensions actuelles.
Le gouvernement central veut désormais répondre au fort endettement des collectivités locales et aux distorsions du marché immobilier par un plan d’aide massif de plusieurs milliards de dollars. Pour lutter contre la crise immobilière, la Banque centrale de Chine a assoupli sa politique monétaire et réduit les taux d’intérêt sur les prêts immobiliers.
Contrairement aux initiatives précédentes, les nouvelles mesures du gouvernement de Pékin semblent mieux dimensionnées et plus cohérentes. Mais il ne faut pas s’attendre à un remède miracle. Les faiblesses économiques sont structurelles et ne peuvent pas être simplement masquées par des apports de liquidités.
Selon les chiffres officiels, la dette nationale de la Chine s’élevait fin 2023 à 71 000 milliards de Renminbi (RMB). Cependant, selon les estimations du Fonds monétaire international, elle se situerait entre 60 000 et 70 000 milliards. Des dettes en RMB sont cachées dans les quelque 12 000 instruments de financement du gouvernement local (LGFV). Avec leur aide, les gouvernements locaux ont pu financer de grands projets d’infrastructure pendant de nombreuses années. De nombreuses LGFV font actuellement face à des difficultés financières. Certaines collectivités locales ne disposent pas des revenus nécessaires pour payer leurs factures et assurer leurs services de base. Cela met à rude épreuve les entreprises et ralentit l’économie.
Malgré les difficultés économiques évidentes auxquelles la Chine est actuellement confrontée, le gouvernement reste déterminé à atteindre son objectif de croissance de 5 % cette année. Pour la première fois depuis longtemps, le gouvernement central semble déterminé à agir contre les symptômes de crise que connaît le pays, ce que les bourses chinoises ont salué avec euphorie. La forte baisse des valorisations des sociétés cotées soutient notamment cette dynamique. Toutefois, les mesures adoptées jusqu’à présent n’offrent pas encore de solution durable aux problèmes structurels auxquels la Chine doit faire face.
Malgré les nombreux conflits qui tiennent le monde en haleine, l’économie américaine se développe avec une vigueur surprenante. Certes, elle connaît également un ralentissement. Mais nous nous attendons à ce que l’économie américaine puisse éviter une récession. Les données actuelles montrent toujours une dynamique solide. Le chiffre exact de la croissance économique du troisième trimestre 2024 sera publié à la fin du mois. Le taux de croissance pourrait se situer légèrement au-dessus ou légèrement en dessous de 2 %. Ce serait en tout cas bien plus que l’économie allemande, où le gouvernement fédéral admet désormais que le taux de croissance pourrait tomber en dessous de 0 % cette année.
La situation économique toujours solide aux États-Unis a également un impact positif sur le marché du travail : 254 000 emplois ont été créés en septembre. Ce chiffre est bien supérieur aux prévisions des économistes. Le taux de chômage a également légèrement baissé, à 4,1 % en septembre. Le recul de l’inflation donne également à la banque centrale américaine une marge de manœuvre pour assouplir davantage sa politique monétaire. En septembre, le Comité fédéral de l’Open Market a réduit le taux des fonds fédéraux d’un demi-point de pourcentage, le ramenant dans une fourchette de 4,75 % à 5,00 %.
Les actions américaines ont déjà enregistré des gains élevés cette année. Cela dit, le marché offre toujours des titres intéressants cotés à des valorisations raisonnables. À nos yeux, l’espoir que les marchés financiers américains puissent relativement bien résister aux troubles actuels de la politique mondiale semble justifié. Cet aspect mérite d’être pris en compte dans la stratégie patrimoniale.
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