Photo Kyle Kloc © Fish Asset Management
Par Kyle Kloc, gérant de portefeuille senior chez Fisch Asset Management, Zurich
Les données étant différées, il est fort probable que lorsqu’elles seront disponibles, elles indiquent que l’Europe est déjà en récession, après une année catastrophique pour les investisseurs. Toutefois, pour les investisseurs obligataires, même dans le segment très sensible à l’économie du haut rendement, cette révélation ne sera pas nécessairement aussi terrible qu’il n’y paraît. En effet, conjuguée à la baisse des prix des obligations depuis le début de l’année, elle pourrait présenter une opportunité telle que nous n’en avons pas vu depuis longtemps.
Faisons un rapide récapitulatif : le haut rendement a traversé, en 2022, une année civile qui est de loin la pire de tous les temps, à l’exception de la crise financière de 2008. Les performances ont pour l’essentiel été influencées par la hausse significative du rendement des obligations d’État ainsi que par la guerre en Ukraine. L’impact s’est manifesté par la forte hausse des prix du gaz naturel, en particulier en Europe, qui, en raison de la structure du marché, a entraîné une augmentation des prix de l’électricité dans la région, mettant à rude épreuve de nombreuses entreprises. Par conséquent, l’indice européen général des obligations à haut rendement, l’indice ICE BofA European Currency High Yield Constrained (HPC0), a enregistré un élargissement des spreads de 338 points de base (pb) à la fin de 2021 à environ 550 pb aujourd’hui. On notera toutefois que contrairement à ce que l’on observe généralement lorsque les rendements sont fortement négatifs, les taux de défaut n’ont pas augmenté de manière significative cette année et restent inférieurs à 1,0%, soit bien en deçà des moyennes à long terme.
Le passé nous apprend que toute période de performance particulièrement médiocre dans le domaine du haut rendement a toujours représenté un bon moment pour investir, car les performances suivant une année négative sont souvent caractérisées par un rebond conséquent. D’un point de vue mondial, la classe d’actifs n’a jamais connu deux années négatives consécutives. Dans ce contexte, la région d’origine des investisseurs européens semble particulièrement prometteuse par rapport au reste du monde. Bien sûr, la classe d’actifs a subi d’importantes sorties de capitaux, ce qui est assez typique d’une année négative. Néanmoins, la trajectoire de cette année médiocre s’est écartée de manière significative de ce que nous observons habituellement dans un environnement de récession, à savoir des spreads nettement plus élevés d’environ 800 pb en Europe et un taux de défaut bien plus élevé. En effet, aucun de ces deux phénomènes ne s’est manifesté jusqu’ici. Malgré des prix moyens obligataires assez bas et représentatifs d’une récession, les prix actuels sont davantage imputables aux faibles coupons des émissions de ces dernières années et aux hausses de taux d’intérêt des derniers mois qu’à l’augmentation des spreads, comme ce serait habituellement le cas à ce stade du cycle économique. Le facteur «devises» est également favorable au haut rendement européen, car les coûts de couverture du dollar américain pour les investisseurs en euros ou en francs suisses sont assez élevés, ce qui réduit sensiblement le potentiel de performance totale des obligations américaines à haut rendement.
En ce qui concerne le timing des investissements, nous pensons que les spreads pourraient encore s’écarter quelque peu, ce qui signifie qu’il n’y a pas d’urgence. Toutefois, il semble opportun de commencer à considérer la classe d’actifs du haut rendement et de se préparer à passer à l’action lorsque le moment venu. Nous pensons que les 12 prochains mois finiront par offrir des performances appréciables aux investisseurs, mais probablement pas selon une trajectoire linéaire. Les prix bas des obligations constituent un point d’entrée intéressant pour les nouveaux investisseurs et, bien que pénalisants pour les investisseurs existants, ils offrent également une occasion attractive de renforcer les allocations, car ils réduisent les pertes en cas de défaut. Les prix situés entre 75 et 85 centimes pour un dollar reflètent déjà une baisse importante et sont beaucoup plus proches des valeurs de reprise qu’ils ne l’étaient il y a un an. Ce tampon de sécurité intégré compense les investisseurs pour le surcroît de risque de la même manière que le feraient des spreads plus élevés. C’est pourquoi nous pensons que des spreads de 700 pb, un peu plus élevés que les niveaux actuels, constitueraient une prime de risque adéquate. Normalement, les spreads atteignent environ 800 pb dans un environnement de récession, mais nous ne nous attendons pas à ce que les taux de défaut atteignent les niveaux habituels pour une période de récession, car la proportion des émetteurs de qualité modeste dans l’indice est plus faible que lors des phases de récession précédentes et les émetteurs abordent la récession avec de meilleurs fondamentaux, des liquidités importantes et peu de contraintes liées aux clauses de sauvegarde («covenants»). Il convient de noter que les spreads atteignent généralement leur pic bien avant la fin d’une récession. Par conséquent, pour investir à des niveaux proches du pic des spreads, les investisseurs doivent entrer sur le marché avant la prochaine reprise, c’est-à-dire juste avant l’aube quand il fait le plus sombre. De plus, les périodes de volatilité comme celles-ci devraient être saluées par les gérants actifs, car elles devraient offrir de nombreuses opportunités de génération d’alpha.
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