Après les feux d’artifice de novembre, décembre a démarré sur une note nettement plus calme. Notre indice de sentiment préféré, le VIX, a poursuivi sa baisse pour atteindre 15 – un niveau généralement associé à des marchés stables.
Les obligations d’État japonaises (JGB) ont été les moins performantes dans le domaine obligataire cette semaine. Le rendement à 10 ans est monté à 1,939 %, en hausse de 12 points de base, se rapprochant du seuil psychologique de 2,00 %, qui n’a plus été franchi depuis 1998. La faiblesse a été déclenchée par des signaux clairs de la Banque du Japon (BoJ) et du gouvernement suggérant un possible ajustement des taux directeurs en décembre.
Le gouverneur Kazuo Ueda a indiqué que la Banque examinerait la possibilité de relever les taux d’intérêt lors de sa prochaine réunion, une déclaration largement interprétée comme un signal délibéré. Par ailleurs, les principaux membres du gouvernement de la Première ministre Sanae Takaichi n’interviendraient pas si la BOJ décidait de procéder à une hausse des taux en décembre [1]. Le marché des swaps de taux d’intérêt day to day table actuellement sur une probabilité de 90 % que la BOJ relève ses taux de 25 pb le 19 décembre [2].
La Première ministre Takaichi a appelé à une coordination macroéconomique en vertu de l’article 4 de la loi sur la BoJ. Cet article exige que la Banque du Japon et le gouvernement « échangent suffisamment leurs points de vue » et maintiennent une coordination étroite en matière de politique macroéconomique. Bien que cela ne confère pas au gouvernement un contrôle direct sur la politique monétaire, cela crée un cadre juridique imposant à la BoJ de tenir compte des objectifs économiques plus larges du gouvernement. [3]
Un risque majeur pour 2026 est la possibilité d’un conflit de politique économique entre l’administration Takaichi (qui devrait poursuivre un agenda pro-croissance soutenu par une politique budgétaire souple et une orientation monétaire accommodante) et la BoJ (qui pourrait ressentir une urgence croissante à accélérer la normalisation monétaire). L’objectif d’inflation de 2 % en glissement annuel reste difficile à atteindre en 2026, et la Banque s’inquiète de plus en plus des signes d’une nouvelle bulle immobilière : les prix des nouveaux appartements progressent actuellement à leur rythme le plus rapide depuis le début des années 1990. [3]
Takaichi est souvent décrite comme une protégée de Shinzo Abe. En 2012-2013, M. Abe a menacé de réviser la loi sur la BOJ et de réduire l’indépendance de la banque afin de l’obliger à adopter une politique plus expansionniste. La question pour 2026 est de savoir si des tensions similaires pourraient réapparaître. L’histoire pourrait-elle se répéter, et l’indépendance des banques centrales constitue-t-elle l’un des grands risques macroéconomiques de l’année à venir ? Cette préoccupation ne se limite pas au Japon – la question de l’indépendance monétaire se pose également aux États-Unis à propos du Federal Open Market Committee (FOMC). Une soupape d’ajustement possible pourrait être le yen. Les différentiels de taux suggèrent que le yen devrait être beaucoup plus fort (voir les graphiques de la semaine).
Ailleurs en Asie, la Chine aura une fois de plus son lot de prophètes de malheur, alors que l’économie est confrontée à une surcapacité dans les principaux secteurs manufacturiers, à des tensions persistantes sur le marché immobilier et à une confiance fragile des consommateurs. Les dernières données soulignent ces préoccupations : l’indice officiel des directeurs d’achat (PMI) dans le secteur manufacturier chinois s’est établi à 49,2, légèrement en deçà des attentes, marquant ainsi le huitième mois consécutif sous le seuil d’expansion de 50. Dans le même temps, le PMI non manufacturier a chuté de manière inattendue de 50,1 à 49,5, soit le premier résultat inférieur à 50 en près de trois ans.[4] Bien que le gouvernement n’ait pas encore fixé d’objectif officiel pour le PIB (produit intérieur brut), la question se pose : quel niveau de croissance serait jugé inacceptable ? Selon nous, une croissance inférieure à 4,5 % pourrait déclencher une série importante de mesures de relance.
En Europe, les rendements ont légèrement augmenté, les économistes ayant été surpris par l’accélération de l’inflation mesurée par l’IPCH à 2,2 % en glissement annuel, tirée par des prix des services et de l’énergie plus élevés. Toutefois, une analyse plus fine suggère que l’inflation sous-jacente devrait tomber sous les 2 %. Le taux annualisé sur trois mois de l’inflation des services – un indicateur plus réactif – est tombé à 2,7 % en novembre, contre 3,1 % en octobre. Par ailleurs, les effets de base devraient s’atténuer en décembre, notamment pour le transport aérien, qui avait bondi d’un exceptionnel 14,8 % en décembre dernier. Nous ne nous attendons pas à un tel pic en 2025. [5]
La désinflation est-elle le principal risque pour l’économie de la zone euro en 2026, et la Suisse pourrait-elle servir d’indicateur avancé ? L’inflation suisse a de nouveau surpris à la baisse en novembre, tombant à 0 % – un plus bas de quatre ans – en raison de la baisse des prix de l’énergie et des biens importés. [6]
Une autre source de préoccupation pour 2026 pourrait être la stabilité politique, même si aucune élection nationale majeure n’est prévue. Parmi les risques potentiels figurent un vote législatif anticipé en France, un remaniement à la tête du Parti travailliste britannique et des frictions récurrentes entre les partenaires de la coalition en Allemagne, notamment au sujet de la réforme des retraites. En Espagne, le Premier ministre Pedro Sánchez est confronté au défi permanent de gouverner sans majorité. Parallèlement, la montée des partis d’extrême droite dans les sondages d’opinion – actuellement en tête en Allemagne, au Royaume-Uni, en Italie et en France – pourrait compliquer davantage le paysage politique européen. [7]
Aux États-Unis, les rendements ont légèrement augmenté au cours de la semaine, dans un contexte riche en données économiques, soulignant la résilience de l’économie et les signes d’un relâchement des pressions sur les prix. Selon Mastercard, les ventes du Black Friday ont augmenté de 4,1 % [8], dépassant la croissance de l’année dernière et suggérant que les consommateurs américains recommencent à dépenser après le récent shutdown. Par ailleurs, un rapport de Challenger, Gray & Christmas a révélé que le nombre de licenciements annoncés était inférieur aux prévisions, ce qui indique un retour à la stabilité sur le marché du travail.[9] L’indice des services de l’Institute for Supply Management (ISM) s’est également révélé plus solide que prévu, atteignant 52,6, son plus haut niveau depuis février. Plus notable encore, la composante des prix payés est tombée à un plus bas de 7 mois, à 65,4, apaisant les inquiétudes liées à une inflation tirée par les tarifs douaniers. [10]
Le principal risque pour l’économie américaine en 2026 est-il une réaccélération ? La combinaison de conditions financières souples, de la déréglementation et des dépenses prévues dans le « US Big Beautiful Bill » semble favoriser une croissance plus rapide. Le modèle GDPNow de la Banque fédérale de réserve d’Atlanta estime actuellement la croissance du PIB réel pour le troisième trimestre 2025 à 3,5 % en glissement annuel. [11] Parallèlement, un enseignement clé de novembre concerne la réaction des marchés face à l’idée que le FOMC pourrait ralentir ou suspendre la normalisation des taux.
Sur les marchés du crédit corporate, le carry a régné en maître, les titres à haut rendement surperformant et les marchés émergents occupant la première place. Comme c’est souvent le cas, la principale préoccupation des investisseurs en crédit est qu’une augmentation de l’offre puisse peser sur les rendements. Les émissions des hyperscalers vont-elles fausser les indices investment grade, ou l’endettement croissant des gouvernements et l’indiscipline budgétaire vont-ils évincer les entreprises et accentuer la pente des courbes de rendement ? Par ailleurs, la baisse des différentiels de taux entre les États-Unis et l’Asie pourrait faire revenir l’offre en dollars asiatiques, tandis que la baisse relative de l’attrait des rendements des Treasuries pourrait inverser les flux de capitaux sortants du marché américain.
Le dollar américain s’est légèrement affaibli cette semaine, perdant plus de 1 % face au dollar australien. Une résurgence de l’exceptionnalisme américain, accompagnée d’un regain de vigueur du dollar et d’un resserrement des conditions financières mondiales, serait probablement bien accueillie par les baissiers du marché. Les prix des matières premières sont restés dans une fourchette étroite, la grande question pour 2026 étant de savoir jusqu’où le pétrole va baisser. La prévision des prix du pétrole est souvent décrite comme un « art obscur », mais certaines tendances sont claires : les prix du pétrole ont baissé tout au long de 2025 et le marché est déjà en excédent, estimé à 1,6 mb/j au second semestre 2025. 12 Si l’offre russe reste stable en 2026 et que l’offre hors OPEP hors Russie augmente plus vite que prévu – ou, inversement, si la croissance mondiale ralentit fortement –, il est probable que les prix du pétrole passent sous les 50 dollars. [12]
Enfin, les actions ont réalisé une solide performance cette semaine, les marchés clôturant globalement en hausse et les principaux indices se rapprochant de leurs sommets historiques. La question que tout le monde se pose est de savoir si nous assistons à une bulle alimentée par l’IA et si celle-ci pourrait éclater en 2026. L’une des conditions préalables essentielles pour identifier une bulle est un écart significatif entre les prix et les fondamentaux, les ratios cours/bénéfice servant souvent de référence. Microsoft pourrait jouer le rôle de « canari dans la mine » : l’entreprise était emblématique de la bulle technologique de la fin des années 1990 et fait désormais partie du « Magnificent Seven ». Son PER actuel est d’environ 34 ; il avait brièvement atteint 90 en 1999 (voir graphique 2 de la semaine).
Graphique 1 de la semaine : les niveaux de rendement à 10 ans aux États-Unis et au Japon suggèrent que le yen devrait être plus proche de 130 que de 150 :
Source: Bloomberg, as of 5th December 2025. For illustrative purposes only.
Graphique 2 de la semaine : le ratio cours/bénéfice de Microsoft a atteint 90 pendant la bulle Internet :
Past performance is not a reliable indicator of current or future results.
References:
[1] Bloomberg, ‘Key Japan Officials Would Go Along With a BOJ December Rate Hike,’ December 4, 2025
[2] Bloomberg, as of December 5, 2025
[3] Bloomberg, ‘JAPAN INSIGHT: Dovish BOJ + Takaichi Heat = K-Shaped Economy,’ December 5, 2025
[4] Bloomberg, ‘CHINA REACT: PMI Hinted at Another Consumption Down-Drift,’ November 30, 2025
[5] Bloomberg, ‘EURO-AREA REACT: Inflation Rise May Pass, ECB Wariness Too,’ December 2, 2025
[6] Bloomberg, ‘Swiss Inflation Unexpectedly Slows to Zero in SNB Setback,’ December 3, 2025
[7] Bloomberg, ‘EUROPE INSIGHT: Merz Stuck, Starmer Out? Political Risks in 2026,’ December 5, 2025
[8] Mastercard Spending Pulse “U.S. Black Friday retail sales up +4.1% year over year as holiday momentum builds,’ November 29, 2025
[9] Bloomberg, ‘US Layoff Plans Ease, But Still Most for November Since 2022,’ December 4, 2025
[10] Bloomberg, ‘US REACT: Tariff-Driven Uncertainty Slows Service Prices Paid,’ December 3, 2025
[11] GDPNow—Federal Reserve Bank of Atlanta, December 5, 2025
[12] Goldman Sachs, as of 17th November 2025. Oil prices through 2035: down in 2026 on last supply wave, up later.
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