« Pour vous, qu’est-ce qu’un bon manager ? »
Je constate, lors de mes accompagnements, que la réponse à cette question est rarement spontanée et toujours très succincte. Il s’agit la plupart du temps d’explications très généralistes, que la personne interrogée ne saurait transposer, à l’exception des objectifs de production, en éléments factuels.
Peu de personnes en situation de manager ont pris le temps d’une réflexion approfondie et d’un travail personnel pour se construire une identité managériale qui se rapproche peu ou prou de l’idée qu’ils se font d’un bon manager. Elles pensent l’être, c’est tout. Leur expérience et leurs résultats sont là pour en attester.
Les logiques de management ont beaucoup évolué ces dernières années avec l’arrivée du concept d’agilité. Cette approche, qui répond au besoin de réactivité des entreprises, modifie profondément la manière d’envisager la mission de la hiérarchie.
Il s’agit de passer de la logique d’obéissance à celle de co-responsabilité, déplaçant dé facto le curseur du rapport à l’autorité, en proposant au donneur d’ordre de devenir un donneur de sens. Pour y parvenir, il y a obligation de passer du contrôle des personnes, du temps et des tâches à celui des situations et des attendus.
Or, la plupart des managers raisonnent comme ils l’ont toujours fait, et agissent comme si tout dépendait d’eux. Ils entendent la responsabilité comme la prescription de faire par eux même. Et lorsqu’ils délèguent, ils attendent de leurs collaborateurs qu’ils agissent comme eux le feraient. Ils utilisent le contrôle pour satisfaire cette vision. Même s’ils s’en défendent, nous sommes là dans une conception très pyramidale du pouvoir.
Sur un premier niveau de lecture, il est possible d’interpréter cela comme la résultante inhérente aux prérogatives du rôle de manager. Cette représentation place ce dernier au-dessus de l’équipe qu’il dirige. Le lien s’établissant par des interactions de types consignes – objectifs / soumission – résultats.
C’est une conception linéaire qui relie la cause et l’effet. Une dualité qui oppose la réussite à l’échec et qui ouvre la voie à un raisonnement binaire : audace vs peur et mérite vs culpabilité.
La logique au niveau de la personne tient des ressorts classiques de la psychologie qui oppose le sentiment de puissance à ceux de perte de contrôle et de pouvoir.
Ce qui est demandé pour manager l’agilité est d’une toute autre nature. L’équipe devient une entité constitutive de l’identité du manager. Il endosse un rôle de facilitateur et d’arbitre qui se met au service de ses collaborateurs. Il n’est pas le chef d’un projet ou le responsable d’une équipe. Son rôle n’est plus de diriger, mais d’élargir les limites du possible. Sa mission principale est de créer le cadre pour garantir le bon fonctionnement du groupe, en pensant création de valeur.
Il se pose en permanence les questions suivantes : Qui dispose de l’information la plus pertinente ? Qui est le plus à même de prendre la décision ? Qui doit prendre l’initiative ? L’action de chacun enrichit le tout, et le tout enrichit chacun. La connaissance et sa mise en œuvre sont partagées par tous. Le mode de pensée devient circulaire, du type essais / ajustements. Il n’y a plus de pouvoir sur…, il y a un pouvoir pour…
Ce changement de paradigme vient remettre en question l’identité managériale (identité externe) : le style de management, l’écoute, la communication, l’animation d’équipe, la stratégie.
Cette évolution est généralement envisagée au travers de formations spécifiques (Agilité, Scrum, Ecoute active, etc.)
Il vient aussi toucher l’identité interne de la personne : son histoire, son inconscient, ses émotions, son système de représentation, ses valeurs et ses croyances. Elle va devoir requestionner son rapport à la perfection, au pouvoir, à la responsabilité, et au savoir. S’interroger sur la place de l’erreur, la reconnaissance, ses enjeux.
Et il s’agit bien d’éléments constitutifs endogènes. La réponse ne pourra venir que de l’intérieur.
C’est là la clef de la réussite du management agile.