Selon les données du PNUE (Programme des Nations Unies pour l’Environnement), l’industrie de la mode est responsable à elle seule de 8 % à 10 % des émissions mondiales de dioxyde de carbone, en dessus de celles des transports aéronautiques et maritimes réunis. Ce constat nécessitait déjà des mesures de redéfinition d’une industrie de la mode plus responsable. Mais la crise sanitaire du covid19 a exacerbé la question de l’engagement du secteur du luxe au service de la société. Certaines entreprises de luxe telles que LVMH et L’Oréal ont certes démontré leur intérêt pour la question en mobilisant des ressources pour la lutte contre la pandémie ou pour un plan durable d’impact social et environnemental. Mais il s’agit surtout de tout un secteur qui devra se réinventer. Nous vous en dirons plus ici.
La pandémie du covid19 et les mesures de confinement ont bouleversé les modes de consommation dans tous les secteurs. Le secteur de la mode et du luxe en particulier n’a pas été épargné. Ce secteur qui représente la deuxième industrie la plus polluante de la planète avait néanmoins le défi de la durabilité en réponse à l’air du temps. La nécessité existait donc bien avant la crise du coronavirus. Les émissions produites par la production de matières premières, la fabrication et le transport des produits finis sont en effet énormes. La pollution de l’eau est tout aussi très significative. La Conférence des Nations Unies pour le Commerce et le développement (CNUCED) a évalué dans un récent rapport que 93 milliards de mètres cubes d’eau sont utilisés dans le secteur alors qu’elles auraient pu servir à approvisionner 5 millions de personnes. La fabrication d’un simple jean nécessiterait par exemple 7 500 litres d’eau. La même eau est en outre profondément polluée par 500 000 tonnes de microfibres par an, selon les mêmes études.
Tout en vulgarisant les rapports de ces impacts sur l’environnement, les organisations onusiennes ont lancé l’Alliance des Nations Unies pour une mode durable en vue d’accroître la sensibilisation. De même, une Fashion Pact de l’environnement a été conclue par 147 marques, en août 2019 lors du G7, pour manifester leur engagement pour la préservation de l’environnement. Il faut noter que les signataires de ce pacte représentent 30 % du secteur et comptent en leur sein des acteurs majeurs tels : Addidas, Zara, Versace, Mucheael Kors, Jimmy Choo, Prada, etc. Cette prise de conscience a alors commencé à se matérialiser par quelques actions isolées de certains acteurs du secteur. Ainsi, la conceptrice somalienne Nimco Adam, partenaire de 55 entreprises de « mode rapide », dont le détaillant Forever 21, a renoncé à l’utilisation de produits chimiques et de matériaux synthétiques pour les collections. Elle utilise désormais des colorants naturels qui sont extraits des racines et emploie des textiles africains tissés à partir de chanvre, de bambou et même d’écorces d’arbre. Ce même souci de durabilité est contenu dans le projet de Remake Hub de Sissi Chao, qui vise à utiliser du plastique recyclé pour fabriquer des vêtements.
Quelques marques commencent donc à se montrer sensibles à la nécessité de construire une industrie durable de la mode. La crise du coronavirus était pourtant une occasion inédite pour les acteurs du luxe de démontrer à leurs consommateurs, l’engagement sociétal de leurs entreprises. Ce sont juste quelques rares entreprises qui se sont distinguées par leur contribution pour endiguer la progression du virus, malgré que leurs activités étaient plombées par la crise. C’est l’exemple en France de LVMH qui dès le début du confinement a mis trois de ses sites français de production de parfums et cosmétiques pour la production de gel hydroalcoolique. Ces gels produits ont été gratuitement distribués aux hôpitaux français. C’est la même tendance chez L’Oréal qui a décidé consacrer 150 millions d’euros à des investissements en faveur de l’urgence climatique et de la vulnérabilité des femmes.
Cependant cette prise de conscience encore timide s’imposera à l’ère post covid. À l’arrêt depuis plusieurs mois, l’industrie de la mode tente en effet de repartir malgré le bouleversement de la chaîne de production. Les pertes record enregistrées n’empêchent pas les grandes enseignes de rouvrir progressivement leurs points de vente. Cependant, l’objectif au cœur de toutes les stratégies est de reprendre sur des bases durables. À ce propos, les initiatives ne manquent pas. Certaines marques accélèrent leur numérisation afin de vite écouler les stocks et attirer de nouveaux clients. D’autres maximisent leurs communications sur les réseaux sociaux pour conquérir une clientèle plus réactive tandis que beaucoup organisent des défilés virtuels, plus économiques et plus respectueux de l’environnement. Enfin, deux associations professionnelles anglo-saxonnes (le British Fashion Council et le Cuncil of Fashion Designers of America) ont par exemple appelé à une restriction de la production et à la réduction de l’impact des entreprises de mode sur l’environnement. Elles ont notamment suggéré la limitation du nombre annuel de « fashion weeks » et une plus grande focalisation sur les besoins réels du consommateur.
La tendance générale penche en définitive pour des stratégies de relance durable. L’enjeu étant que les marques qui émergeront à terme seront celles qui auront pu réellement se positionner dans cette nouvelle dynamique.
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