Par Dries Cornilly, Investment Manager chez Asteria
Ces dernières années, l’investissement durable a fortement progressé, pourtant toutes les promesses n’ont pas été tenues. Le principal défi consiste à mettre en œuvre ces stratégies avec succès, car les univers durables présentent souvent des biais sectoriels, régionaux et factoriels. L’investissement alternatif offre une solution pratique pour neutraliser ces biais, tout en saisissant les opportunités d’investissement liées au climat et renforcer l’impact de l’investissement durable.
La vente à découvert est un outil puissant en matière d’investissement, principalement parce qu’elle permet une plus grande flexibilité et une plus grande précision dans l’expression des opinions d’investissement. Dans un cadre « long-only », la possibilité de sous-pondérer est limitée par la pondération dans l’indice de référence. Par exemple, une position de 0,1 % dans l’indice de référence ne peut être sous-pondérée que de 0,1 %. En revanche, dans un cadre « long/short », les investisseurs peuvent prendre des positions à découvert significatives, et cette position mineure dans l’indice peut être sous-pondérée de 1 % ou plus. Cela permet aux investisseurs de mieux exprimer leurs convictions et d’améliorer la gestion des risques.
Graphique 1. Alignement de Paris par rapport à l’intensité de carbone
Source : Trucost, calculs personnels. Données au 31 octobre 2024.
Prenons l’exemple d’un investisseur attentif à l’empreinte carbone de son portefeuille. La figure 1 montre que les entreprises à faibles émissions de carbone ont tendance à s’aligner davantage sur les objectifs de l’accord de Paris. En revanche, pour les entreprises hautement émettrices de carbone, la situation est très binaire. Elles sont soit très peu alignées, soit très alignées. Ces dernières offrent les opportunités d’investissement les plus intéressantes. Cependant, dans le cadre d’une stratégie long-only, il est difficile d’investir dans des entreprises à forte émissions de carbone et bien alignées, tout en maintenant le risque carbone du portefeuille à un niveau faible. En passant à une approche long/short, il devient facile de s’exposer à des entreprises attrayantes à forte intensité de carbone qui sont sur la bonne trajectoire, tout en équilibrant l’empreinte carbone du portefeuille par la vente à découvert d’entreprises à forte intensité de carbone qui ne sont pas sur la voie de la transition. De telles positions longues hautement émettrices seraient quasiment impossibles pour un gestionnaire long-only qui serait contraint par une intensité carbone inférieure à celle d’un indice de référence large.
Les univers d’investissement durable, en particulier ceux qui se concentrent sur un impact environnemental positif, présentent souvent des biais inhérents. Par exemple, ils surreprésentent certains secteurs comme l’industrie et les matériaux et sous-représentent d’autres secteurs comme les services financiers ou les services aux consommateurs. De même, des biais régionaux peuvent se produire, l’Europe dominant le paysage. Des biais factoriels, tels que la croissance par rapport à la valeur, et un biais de taille en faveur des sociétés à moyenne capitalisation apparaissent également. Tous ces biais combinés faussent la performance relative des portefeuilles par rapport à une réplication passive de l’indice de référence. Le graphiqueci dessous montre la contribution à la performance active cumulée de quatre thèmes environnementaux par rapport au MSCI World. Les quatre thèmes ont sous-performé sur la période allant de janvier 2015 à octobre 2024. Nous constatons qu’à l’exception de quelques petites contributions positives à faible risque, toutes les contributions factorielles sont négatives sur la période. En particulier, les expositions au momentum, à la qualité et à la taille qui ont fortement pesé sur la performance relative. Les expositions régionales et sectorielles varient considérablement d’un thème à l’autre et au fil du temps.
L’attrait à long terme de l’investissement durable est démontré par les rendements idiosyncrasiques positifs sur la période. L’investissement à long terme peut atténuer les expositions sectorielles, régionales et factorielles indésirables du portefeuille en les couvrant par des positions courtes. Cette approche crée un portefeuille plus équilibré et diversifié, maximisant l’exposition à la thèse d’investissement à long terme et les rendements idiosyncrasiques positifs potentiels.
Graphique 2. Thèmes environnementaux de l’attribution de performance (janvier 2015 – octobre 2024)
Source : Trucost, calculs personnels. Données au 31 octobre 2024.
Il est important de reconnaître que les stratégies long/short ne se limitent pas à réduire les biais et à gérer les risques – elles permettent également aux investisseurs d’exploiter des opportunités d’alpha supplémentaires. En optant pour la vente à découvert, les investisseurs peuvent mieux s’orienter dans la complexité des risques et des opportunités liés au climat. Cela peut conduire à des rendements ajustés du risque supérieurs tout en faisant progresser les objectifs durables. Le discours dominant est que l’ESG ou le développement durable ne sont pas utiles pour générer de l’alpha et qu’ils sont un outil de gestion du risque. Si tel est le cas, le fait d’être exposé à court terme à des entreprises à haut risque devrait s’avérer payant au fil du temps.
En outre, la possibilité de vendre à découvert élargit l’univers d’investissement et étend les compétences d’un gestionnaire. Comme l’illustre le graphique2, nous pensons qu’une exposition positive aux thèmes environnementaux est un moteur de performance à long terme. Cela se produit grâce à l’exposition à un ensemble de facteurs liés au risque carbone, aux innovations climatiques, à l’efficacité des ressources, aux revenus durables, à l’absence d’actifs épaves et à la sensibilité à la transition. Une exposition positive pure à tous ces facteurs dans un portefeuille long-only concentré est sujette à une forte volatilité. Une approche long/short permet de combiner efficacement ces sources diversifiantes d’alpha tout en gérant le risque.
Par ailleurs, la vente à découvert s’aligne sur les objectifs plus larges de l’investissement durable en permettant aux investisseurs de jouer un rôle actif dans la promotion d’un meilleur comportement des entreprises. Les entreprises redoutent souvent d’être mises à l’écart, car cela signale le mécontentement des investisseurs et peut les inciter à remédier à leurs lacunes en matière d’ESG. En outre, si l’investissement dans des entreprises vertes réduit leur coût du capital, un portefeuille long/short présente un double avantage. En vendant à découvert, les investisseurs évitent non seulement d’investir dans des entreprises non durables, mais contribuent activement à augmenter le coût de leur capital, décourageant ainsi les comportements non durables plus efficacement qu’en les excluant simplement. En vendant à découvert des entreprises qui émettent beaucoup de carbone ou dont les pratiques ESG sont médiocres, les investisseurs peuvent signaler à ces entreprises qu’elles doivent améliorer leurs pratiques, car un coût du capital plus élevé peut décourager les projets non durables. Les arguments en faveur de l’investissement d’impact long-only restent valables et sont renforcés dans un cadre long/short.
En conclusion, l’investissement long/short offre un cadre solide pour traiter les biais inhérents aux univers durables, renforcer l’impact et saisir des opportunités d’alpha supplémentaires. En exploitant les positions à découvert, les investisseurs peuvent exercer une plus grande influence sur le comportement des entreprises, gérer efficacement les risques et contribuer à un avenir plus durable. Alors que l’investissement durable continue d’évoluer, les stratégies long/short deviendront probablement une partie intégrante du paysage de l’investissement ESG et de l’investissement d’impact, fournissant aux investisseurs les outils d’allocation d’actifs nécessaires pour naviguer les défis de la transition climatique.
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