Par Prof. Dr. Jan Viebig, Chief Investment Officer der ODDO BHF SE
« Trop cher, trop sensible aux pannes, trop inefficace – les critiques sur l’état de l’approvisionnement en électricité ne cessent de pleuvoir. La Cour des comptes allemande se joint désormais à la liste des voix qui mettent en garde contre le mauvais état du réseau électrique…
La combinaison de la baisse de la sécurité d’approvisionnement et de la hausse simultanée des prix de l’électricité est devenue un problème particulier pour l’économie… L’Allemagne fait partie du peloton de tête international en ce qui concerne les prix de l’électricité. Selon une analyse réalisée en octobre 2023 par l’association de l’économie bavaroise en collaboration avec l’institut Prognos, le prix de l’électricité industrielle était de 8,4 centimes d’euros par kWh aux États-Unis et en Chine, de 11,3 centimes d’euros en France, mais de 20,3 centimes d’euros en Allemagne.
Une analyse récente des coûts de l’électricité réalisée par l’Institut de l’économie allemande est également révélatrice : elle examine les coûts de l’électricité d’entreprises exemplaires de quatre secteurs sélectionnés et les compare au niveau international. Il en ressort que les coûts de l’électricité dans la construction automobile, importante pour l’Allemagne, s’élevaient à 19 centimes par kWh, à 13 centimes en Espagne, à 7 centimes aux États-Unis et à 9 centimes en Chine. Dans d’autres secteurs (à forte consommation d’énergie), les coûts sont moins élevés, mais présentent un écart similaire à celui de la construction automobile.
Les associations économiques tirent la sonnette d’alarme et estiment que les entreprises à forte consommation d’énergie risquent de quitter l’Allemagne. De nombreux secteurs ont déjà quitté l’Allemagne au cours des dernières décennies, notamment en raison des coûts élevés de l’énergie : la transformation de l’acier, du fer et de l’aluminium, par exemple. D’autres entreprises ont également annoncé leur intention d’investir à l’étranger, où l’approvisionnement en énergie leur semble plus fiable et moins cher. Une enquête menée par la DIHK au cours de l’été 2023 a révélé que près d’un tiers des entreprises industrielles allemandes prévoyaient ou réalisaient déjà la délocalisation de capacités à l’étranger ou la réduction de la production sur le territoire national. Cela représente un doublement par rapport à un sondage réalisé un an auparavant…
Or, la décision d’implantation d’une entreprise ne peut jamais être réduite à un facteur isolé. La bureaucratie en Allemagne, la proximité de clients importants à l’étranger, la disponibilité de personnel qualifié bien formé – des facteurs comme ceux-ci entrent également en ligne de compte. Mais un approvisionnement en électricité efficace à des prix avantageux fait partie des facteurs d’implantation que les politiques peuvent façonner. Et sur ce point, l’Allemagne est à la traîne dans la concurrence internationale…
Cela nous amène, en tant qu’investisseurs, à prendre davantage en compte ce risque d’implantation dans nos réflexions d’investissement. Nous évitons les entreprises qui consomment beaucoup d’énergie et qui dépendent d’un bon approvisionnement en électricité sur le site allemand. Il s’agit d’une part des fournisseurs d’énergie allemands eux-mêmes et d’autre part des entreprises de secteurs qui consomment beaucoup d’énergie, par exemple la chimie de base, la transformation du papier et donc de nombreux fabricants d’emballages, mais aussi les industries de transformation des métaux. Heureusement, on trouve sur les marchés boursiers de nombreuses autres entreprises qui, avec une évaluation raisonnable, offrent un rendement des fonds propres intéressant et un modèle d’entreprise convaincant ».
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