Commentaires de Martina Honegger-Romahn, Gérante obligataire senior Suisse, en amont de la réunion de politique monétaire de la Banque nationale suisse du 20 mars 2025.
Le 20 mars, la Banque nationale suisse (BNS) décidera soit de réduire les taux d’intérêt, soit de les laisser inchangés. Le marché anticipe une baisse des taux de 18,7 points de base, ce qui signifie que 75 % de la communauté des investisseurs pensent que la BNS abaissera les taux d’intérêt[1]. Cependant, la BNS est connue pour surprendre le marché et les justifications d’une poursuite d’une approche dovish semblent nuancées.
Les arguments en faveur d’une baisse des taux comprennent l’incertitude mondiale, principalement en provenance des États-Unis, concernant les droits de douane imprévisibles, qui entraîne une baisse de la prise de risque et des investissements des entreprises. Le secteur manufacturier en difficulté est un autre argument, puisque les indices PMI sont inférieurs à 50 depuis le début de l’année 2023, ce qui indique que le secteur se contracte depuis plus de deux ans[2]. En outre, les calculs de l’Indice des Prix à la Consommation (hors loyers) indiquent une inflation négative de -0,3 %[3], ce qui pourrait être préoccupant étant donné que les prix des loyers ont commencé à stagner. La BNS est connue pour être en avance sur la courbe afin de maximiser l’impact des décisions de taux. Enfin, la BNS pourrait être réticente à intervenir sur les marchés des changes étant donné la position de l’administration Trump contre de tels programmes, préférant ainsi baisser les taux.
En revanche, les arguments en faveur du maintien des taux incluent l’anticipation que le taux de change EUR/CHF ne connaîtra qu’un rebond temporaire avant de revenir à ses niveaux antérieurs. Les commentaires récents de la BCE suggèrent que la Banque centrale poursuivra une approche moins agressive de l’assouplissement monétaire, telle que des réductions de taux. L’UE et l’Allemagne ont également annoncé leur intention d’augmenter leurs dépenses en matière d’infrastructures et de défense, ce qui aurait un impact positif sur le secteur manufacturier suisse, d’autant plus que l’Allemagne est l’un des plus grands marchés d’exportation pour les produits manufacturiers suisses. De plus, la BNS prévoit que l’inflation se stabilisera à 0,7 % d’ici 2026, ce qui correspond bien à l’objectif de 0-2 %[4]. Enfin, les récentes publications de l’Indice des Prix à la Consommation ont été conformes aux prévisions de la BNS, contrairement à 2024 où l’IPC attendu et l’IPC réel différaient sensiblement.
Même si les deux arguments sont convaincants, nous pensons qu’il n’y aura pas de changement de taux, car le taux de change EUR/CHF ne sera pas affecté si la BNS laisse les taux inchangés. Les mesures de relance européennes devraient entraîner une hausse de l’EUR/CHF et un rebond du secteur manufacturier suisse. Par conséquent, la BNS adoptera probablement une approche attentiste avant de se lancer dans de nouvelles mesures de relance monétaire.
[1] Probabilité des taux d’intérêt mondiaux, mars 2025, Bloomberg
2 PMI Suisse, mars 2025, Bloomberg
3 IPC Suisse, mars 2025, Bloomberg
4 Prévisions d’inflation de la BNS, mars 2025, Bloomberg
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