Interview avec Élodie Li, nouvelle cheffe du Château Brachet

23 octobre 2024

<strong>Interview avec Élodie Li, nouvelle cheffe du Château Brachet</strong>

Photos © Château Brachet

À seulement 29 ans, Élodie Li a pris les commandes des cuisines du Château Brachet, un établissement 5 étoiles situé au cœur de la Riviera des Alpes, à Aix-les-Bains. Ce domaine d’exception, niché entre montagnes et lacs, offre à ses visiteurs une expérience unique mêlant luxe, élégance et nature. Le Château Brachet, réputé pour sa quête d’excellence, a trouvé en Élodie une cheffe à la hauteur de ses ambitions. Sa mission au Château Brachet n’est pas seulement de régaler les papilles des convives, mais également de raconter une histoire à travers ses créations culinaires. Chaque plat est un hommage à la richesse du terroir savoyard et à la diversité culturelle qui a façonné son parcours, alliant subtilement tradition et innovation. Rencontre :

International Leader: À 29 ans, vous êtes la nouvelle cheffe du Château Brachet, un établissement 5 étoiles situé au cœur de la Riviera des Alpes, à Aix-les-Bains. Pouvez-vous nous raconter votre parcours ?

Élodie Li : Je suis née et j’ai grandi à Seattle, Washington, aux États-Unis, dans une famille multiculturelle: ma mère est française et mon père est chinois, ce qui m’a permis de grandir avec une richesse culturelle et une diversité de perspectives unique. Cette double culture a profondément influencé ma façon de voir le monde, en particulier dans mon approche de la cuisine. Ma mère m’a transmis son amour pour la gastronomie française, tandis que les traditions chinoises de mon père m’ont appris à respecter les ingrédients et à comprendre l’importance des saveurs authentiques.

Après mon baccalauréat international, j’ai d’abord choisi de me lancer dans des études de business, avec un fort intérêt pour la finance. Mais vers la fin de mon cursus universitaire, j’ai commencé à m’intéresser de plus en plus à la cuisine. Ce qui a commencé comme une simple curiosité, s’est rapidement transformé en une véritable passion. Peu après avoir terminé mes études, j’ai intégré un restaurant à Seattle, où j’ai fait mes premiers pas dans le monde professionnel de la gastronomie. J’ai eu la chance d’être formée par un grand chef sicilien qui m’a transmis son amour pour les ingrédients de qualité et les techniques traditionnelles. Je suis ensuite venue en France pour me former davantage et me plonger dans l’univers de la haute gastronomie française.

Aujourd’hui, en tant que cheffe au Château Brachet, je continue à explorer et à fusionner les influences culturelles qui m’ont façonnée, en créant une cuisine à la fois respectueuse des traditions et ouverte sur le monde.

International Leader: Votre cuisine est le reflet d’une riche diversité culturelle et de traditions. Comment parvenez-vous à harmoniser ces influences multiples, entre les techniques classiques françaises et les saveurs venues d’Asie ou d’Amérique latine, sans perdre l’authenticité de chaque tradition culinaire ?

Élodie Li: Pour moi, la cuisine est avant tout une question d’équilibre et de respect des traditions, quel que soit le continent d’où elles proviennent. Ce que j’essaie de faire, c’est de prendre le meilleur de chaque culture que j’ai explorée, et d’intégrer ces éléments de manière subtile et réfléchie dans la tradition française, qui est la base de ma formation. Par exemple, je m’inspire beaucoup des techniques de précision de la gastronomie française, mais en même temps, j’aime introduire des ingrédients ou des procédés venus d’ailleurs, comme le soin apporté aux épices dans les cuisines asiatiques ou la vivacité des saveurs de l’Amérique latine. Ce qui est essentiel pour moi, c’est de ne pas tomber dans la « fusion » pour la fusion, qui peut parfois dénaturer les cuisines. Mon approche est plus une question d’équilibre subtil, d’utiliser des saveurs exotiques pour rehausser un plat traditionnel français, sans que cela prenne le dessus.

International Leader: Vous avez mentionné l’importance de ne pas vous enfermer trop tôt dans un plat signature. Comment abordez-vous alors la création de nouveaux plats ? Recherchez-vous également à surprendre les palais avec des associations inattendues ?

Élodie Li: Ma philosophie culinaire repose sur deux piliers : le respect absolu du produit et la recherche de la simplicité. Je crois fermement que c’est souvent dans les choses les plus épurées que l’on trouve la plus grande richesse gustative. Lorsque je travaille des poissons de mer, par exemple, j’aime les sublimer en les manipulant le moins possible, car leur qualité intrinsèque mérite d’être mise en avant. Je veux que mes clients ressentent la fraîcheur et la pureté du produit, sans artifice superflu. Cela dit, simplicité ne signifie pas renoncement à la créativité. Je m’efforce de créer des associations de saveurs subtiles, qui surprennent par leur équilibre plus que par leur excentricité. Parfois, une touche d’épices grillées, une texture inattendue ou une technique peu conventionnelle peut transformer un plat classique en quelque chose d’innovant.

International Leader: Votre engagement envers l’éco-durabilité en cuisine va au-delà du simple zéro déchet. Comment intégrez-vous cette philosophie dans l’ensemble de votre processus créatif ? Estimez-vous que cette approche modifie la relation entre le chef, le produit et le terroir ?

Élodie Li: Absolument. Pour moi, l’éco-durabilité est bien plus qu’une simple tendance ou un engagement à ne pas gaspiller. C’est une manière de penser et de concevoir la cuisine à chaque étape du processus. Cela commence bien avant que je n’entre en cuisine, au moment

où je choisis mes fournisseurs, qui doivent respecter les mêmes valeurs que moi en matière de durabilité. Je privilégie les circuits courts et les producteurs locaux. Cette philosophie influence également la façon dont je conçois mes menus. Plutôt que de me concentrer d’abord sur une idée de plat, je réfléchis à la manière dont chaque ingrédient peut être utilisé à 100 %. Par exemple, si je choisis de travailler un légume, je vais m’assurer que chaque partie, des feuilles aux racines, trouve une place dans mes plats, même si cela signifie les transformer de façon créative. Ce défi pousse également mes équipes à être plus inventives et à sortir des sentiers battus, en trouvant des solutions pour valoriser ce qui, dans d’autres cuisines, pourrait être jeté.

Nous ne voyons plus simplement les ingrédients comme des moyens de réaliser des plats, mais comme des éléments à respecter, à comprendre, et à utiliser dans leur totalité. Cette approche oblige aussi à être plus attentif à la saisonnalité et aux cycles naturels. Ce qui est formidable, c’est que cela nous pousse à toujours repenser nos méthodes et à développer une cuisine qui est non seulement respectueuse de l’environnement, mais aussi plus connectée au terroir.

International Leader: Vous évoquez souvent votre passion pour l’art et le lien que vous entretenez avec la nature. Comment ces deux univers, si éloignés de la cuisine, influencent-ils votre approche culinaire et comment cela se traduit-il dans vos plats ?

Élodie Li: L’art et la nature nourrissent ma créativité de manière indirecte mais essentielle. L’art est pour moi une forme d’expression qui me permet d’explorer des idées et des émotions que je transpose ensuite dans mes créations culinaires. Quand je peins ou sculpte, je me concentre sur les textures, les formes, les couleurs et l’harmonie des éléments — des concepts qui se retrouvent également dans l’assiette. La cuisine, à bien des égards, est une autre forme d’art : la façon dont on dispose les ingrédients, les jeux de textures, l’équilibre visuel. Mon approche en cuisine est souvent influencée par cette recherche de beauté et d’émotion que je retrouve dans mes pratiques artistiques. Quant à la nature, elle est une source d’inspiration inépuisable. Travailler en Savoie, avec ses montagnes et ses lacs, me reconnecte à l’essentiel : le respect du terroir, des saisons, et des produits locaux. Lorsque je pars en randonnée ou en  pêche, cela m’offre une sorte de ressourcement qui se traduit par une cuisine plus authentique, plus connectée à la terre. Je pense que l’art et la nature me permettent de voir la cuisine sous un angle plus holistique, où chaque plat raconte une histoire et où l’esthétique et le respect de l’environnement sont aussi importants que les saveurs.

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