Par Luca Manera, Investment manager, Asteria IM
Les élections européennes ont ramené le risque souverain sur le devant de la scène en Europe. Dans ce contexte l’annonce d’élections anticipées en France ne pouvait survenir à un moment plus incertain, alors que les investisseurs s’interrogent sur la trajectoire de l’inflation, de l’économie et des valorisations. Dans cet article, nous éludons le débat politique et nous nous concentrons sur l’évaluation du risque français sur les marchés IG, y compris les obligations vertes, et sur les implications pour les investisseurs.
La France a été déclassée en mai, par S&P, de AA à AA- (perspectives stables) en raison de l’augmentation de son niveau d’endettement, après avoir été déclassée l’année dernière par Fitch. Si la France reste la deuxième économie d’Europe avec un PIB de 2,8 billions d’euros, son déficit dépasse les 5 %, ce qui contraste avec la Belgique et l’Espagne, qui ont stabilisé leurs déficits et dont les niveaux d’endettement par rapport au PIB sont similaires, à savoir environ 105 %.
L’annonce surprise de nouvelles élections par Macron a fait bondir la prime de risque française, qui est passée de 50 à 80 points de base. La dernière fois que l’écart a atteint ce niveau, c’était en 2016, alors que le ratio dette/PIB était de 100 %, avec un déficit de 3,5 %, contre 5 % actuellement. Les incertitudes budgétaires et politiques continueront à peser sur le risque souverain français.
Source: Asteria IM, Bloomberg
La France représente 22 % des indices ICE Euro Aggregate et Corporate, mais sa part dans l’indice ICE Green Bond est passée de 20 % à 10 %, alors que la croissance du marché des obligations vertes s’est accrue au cours des dernières années. Néanmoins, la plus grande source de risque de crédit provient des émetteurs français sur l’ensemble des marchés sélectionnés. Une approche sectorielle peut être une feuille de route utile pour les investisseurs afin d’évaluer une vue descendante de la manière dont le risque politique impacte les secteurs et donc les spreads.
La multiplication de la duration par le spread (DTS) est une mesure utile pour les investisseurs afin de mesurer le niveau de risque français dans leurs portefeuilles ou leurs indices de référence.
Source: Asteria IM, ICE Index
L’indice ICE Green Bond a l’exposition DTS la plus faible au risque français, soit 20 %, suivi par l’indice Euro Agg. (23 %) et l’indice Euro Corporate (24 %). Il est à noter que l’indice ICE Green Bond a une exposition DTS au risque souverain français et aux quasi-agences plus faible que celle de l’indice Euro Aggregate (11 % contre 16 %). Les investisseurs inquiets d’une nouvelle détérioration de la performance fiscale de la France seraient donc plus affectés par l’indice Euro Aggregate. De leur côté, les investisseurs en obligations d’entreprise sont surtout exposés aux valeurs financières et industrielles, qui représentent près de 20 % de l’indice DTS. Les services aux collectivités publiques constituent une exception, leur exposition étant plus importante dans l’indice ICE Green Bond que dans l’indice des obligations d’entreprise.
Le risque français va continuer à peser sur les marchés européens. Il est encore trop tôt pour les investisseurs d’évaluer pleinement l’impact de la composition et des politiques de la nouvelle assemblée nationale sur le risque de crédit. Les investisseurs doivent être très conscients des différences entre les marchés obligataires en termes d’exposition au risque français et de l’impact qu’elles peuvent avoir sur les rendements au cours des prochains trimestres.
Le marché des obligations vertes est positionné de manière intéressante pour offrir aux investisseurs une exposition plus faible au risque souverain français et au risque d’agence par rapport à un indice agrégé traditionnel, tout en offrant une plus grande exposition aux entreprises. Par conséquent, une approche active et opportuniste permet de naviguer dans l’incertitude politique persistante.
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