Génération pivot : quand la jeunesse européenne réinvente l’avenir

20 octobre 2025

Génération pivot : quand la jeunesse européenne réinvente l’avenir

Dans une Europe en quête de repères, la jeune génération avance entre précarité et espoir. Confrontée à un avenir incertain, elle refuse pourtant la résignation. Portée par ses valeurs et sa créativité, cette jeunesse pourrait bien devenir le moteur d’une Europe renouvelée.

Ils sont diplômés, connectés, ouverts sur le monde. Pourtant, beaucoup de jeunes Européens avancent avec le sentiment d’avoir hérité d’un avenir plus fragile que celui de leurs parents. Inflation, crise du logement, précarité de l’emploi, anxiété climatique : le tableau n’est pas rassurant. Mais derrière les inquiétudes, une énergie nouvelle se déploie, celle d’une génération qui, loin de se résigner, redéfinit les contours du progrès. Une génération que certains disent « sacrifiée », mais qui pourrait bien être, au contraire, celle de la transformation.

Entre précarité et désillusion

Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Selon Eurostat, près d’un jeune sur six âgé de 15 à 29 ans dans l’Union européenne n’est ni en emploi, ni en études, ni en formation. Le chômage des jeunes reste plus du double de la moyenne générale, et l’accès à un logement devient un luxe dans de nombreuses capitales. À Barcelone, Paris, Amsterdam ou Berlin, les loyers ont explosé de plus de 40 % en dix ans, poussant une part croissante de jeunes adultes à rester chez leurs parents ou à s’expatrier. Ces difficultés ne sont pas seulement économiques : elles touchent aussi à la perception du futur. Une étude du European Youth Forum révèle que plus de 60 % des 18-30 ans considèrent que leur génération « vivra moins bien » que celle de leurs parents. Un constat inédit dans une Europe longtemps synonyme de stabilité, de croissance et de progrès social.

La génération Erasmus, souvent perçue comme privilégiée, est aussi celle de la flexibilité contrainte. Si les diplômes se multiplient, les emplois stables se raréfient. Les jeunes Européens entrent plus tard sur le marché du travail, souvent à travers des stages ou des contrats précaires, et peinent à accumuler un capital ou à fonder une famille. Les fractures sont aussi géographiques : au Nord, des économies plus résilientes et des politiques sociales protectrices ; au Sud, une jeunesse confrontée à un chômage structurel élevé, de la Grèce à l’Espagne en passant par l’Italie. La crise du Covid-19 a accentué ces écarts, frappant durement les secteurs d’emploi jeunes comme le tourisme, la restauration et la culture. Pour beaucoup, la mobilité européenne, via Erasmus ou les programmes de stages, n’est plus un symbole d’ouverture, mais une nécessité économique. Partir n’est plus un choix, mais un moyen d’échapper à l’impasse.

Une génération pivot porteuse de transformation

Pourtant, réduire cette génération à la résignation serait une erreur. Les jeunes Européens incarnent aussi une formidable capacité d’adaptation. Ils sont les premiers à remettre en cause les anciens modèles de réussite, à privilégier le sens plutôt que le statut, et à placer l’impact social et environnemental au cœur de leurs choix de carrière. Face à un système qu’ils jugent à bout de souffle, ils créent de nouvelles formes d’engagement : entreprises à mission, initiatives locales, mobilisations citoyennes. Le mouvement pour le climat, mené par des figures comme Greta Thunberg, symbolise ce tournant, une contestation des générations précédentes, mais aussi un appel à la responsabilité collective. La jeunesse européenne ne se contente plus de revendiquer : elle agit. Les start-up sociales, les projets d’économie circulaire ou les coopératives numériques se multiplient. Dans une Europe vieillissante, cette génération apporte une bouffée d’air frais et une conscience du long terme qui font cruellement défaut au débat politique. L’Union européenne, consciente du malaise générationnel, tente de répondre. Le plan Next Generation EU, lancé après la pandémie, envoie un signal fort : investir dans la jeunesse comme moteur de reconstruction. Les programmes Erasmus+, le Corps européen de solidarité ou le renforcement du dialogue jeunesse offrent des espaces d’opportunité et d’expression. Mais la question demeure : est-ce suffisant ? Tant que les politiques nationales n’aborderont pas de front le coût du logement, la qualité de l’emploi et l’accès à la santé mentale, les fractures persisteront. La génération européenne actuelle ne demande pas d’aides ponctuelles, mais un contrat social repensé, fondé sur la participation, la durabilité et la justice intergénérationnelle.

Les jeunes Européens évoluent dans un contexte plus incertain que jamais, mais ils détiennent aussi les clés d’une transformation historique. Leur force n’est pas seulement technologique, mais culturelle : une capacité à repenser les priorités collectives, à allier ambition économique et responsabilité sociale. Loin d’être une génération perdue, ils pourraient bien être la génération pivot, celle qui oblige l’Europe à se réinventer. Une Europe plus verte, plus solidaire, plus équitable, à condition qu’on leur en laisse la place.

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