Par Guido Bolliger, CIO, Asteria Obviam
Les marchés de l’ESG et de la finance durable montent en flèche, tout comme les enquêtes menées contre les gestionnaires d’actifs pour avoir surestimé leurs pratiques ESG. Cette surestimation est appelée « écoblanchiment ». Elle a conduit certains investisseurs à remettre en question la capacité de la finance à contribuer à la transition climatique ou, pire encore, à se détourner des produits durables.
Outre les intérêts financiers des gestionnaires d’actifs, deux raisons principales expliquent l’existence de l’écoblanchiment. Tout d’abord, il n’existe pas encore de normes largement acceptées dans le secteur financier pour déterminer si un investissement est « vert » ou « brun ». Deuxièmement, et surtout, il existe des asymétries d’information entre les gestionnaires d’actifs et les investisseurs. En effet, les investisseurs doivent se fier aux informations volontaires et non standardisées du gestionnaire d’actifs en matière de développement durable. Par conséquent, les investisseurs ne peuvent évaluer le caractère « vert » d’un produit qu’au travers d’un verre sombre.
Nous connaissons tous les gros titres et les scandales (par exemple DWS), mais il n’y a pas beaucoup d’études qui se concentrent sur l’écoblanchiment dans le secteur de la gestion d’actifs. Toutefois, une étude très intéressante a été publiée récemment par Gibson, Glossner, Kruger, Matos et Steffen, qui cherchent à savoir si les investisseurs institutionnels qui signent les Principes pour l’investissement responsable (PRI) investissent de manière plus responsable que ceux qui ne le font pas. D’ici 2022, le réseau des PRI comptera 5 319 signataires, représentant 121 000 milliards de dollars d’actifs sous gestion. En signant les PRI, les investisseurs s’engagent à adopter les six principes des PRI et à rendre compte publiquement de leurs pratiques d’investissement responsable sur une base annuelle. Les principales conclusions de l’étude sont les suivantes :
– Les signataires des PRI situés en dehors des Etats-Unis investissent de manière plus responsable (leurs portefeuilles ont des notes ESG plus élevées) que les non-signataires. En outre, le score ESG des signataires des PRI situés hors des États-Unis s’améliore après leur adhésion.
– La note ESG moyenne des portefeuilles gérés par les signataires américains des PRI est au mieux identique à celle des non-signataires. En d’autres termes, le signataire américain moyen des PRI a tendance à faire de l’écoblanchiment.
– Les signataires situés aux États-Unis qui s’engagent dans les PRI ont tendance à le faire après des périodes de sous-performance. Il se peut donc qu’ils deviennent signataires pour compenser leurs performances d’investissement médiocres, tout en ne déployant pas de ressources pour la mise en œuvre de l’ESG. Les signataires américains des PRI dont les pratiques ESG sont inférieures à la moyenne ont tendance à servir le segment des particuliers, par opposition aux clients institutionnels, qui sont plus sophistiqués.
Les auteurs avancent de nombreuses raisons pour expliquer ces différences entre les investisseurs américains et non américains. Parmi elles, des orientations ESG contradictoires aux États-Unis concernant les obligations fiduciaires des fonds de pension en fonction du parti politique au pouvoir. Et un contrôle réglementaire plus strict des investissements ESG en Europe.
La bonne nouvelle pour les investisseurs est qu’en moyenne, les gestionnaires d’actifs responsables situés en dehors des États-Unis respectent leurs engagements et investissent de manière responsable.
Une réglementation visant à réduire l’asymétrie d’information entre les gestionnaires d’actifs et les investisseurs ainsi qu’une définition claire et standardisée de ce qui peut être considéré comme un investissement « vert » sont essentielles pour réduire l’écoblanchiment dans le secteur de la gestion d’actifs. Malgré les balbutiements qui ont précédé leur mise en œuvre, les réglementations ESG telles que le règlement de l’UE sur la divulgation des informations relatives à la finance durable (SFDR) et l’alignement sur la taxonomie de l’UE seront certainement utiles.
Les investisseurs doivent éviter de jeter le bébé avec l’eau du bain. Une réglementation plus stricte et un niveau d’éducation plus élevé parmi les consultants et les investisseurs permettront de surmonter l’écoblanchiment. En attendant, les investisseurs devront peut-être se montrer plus sélectifs lorsqu’ils investissent dans des produits durables. Ils peuvent le faire en se concentrant sur les fonds d’investissement de la SFDR 9.
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