14 janvier 2021 –
Dans la nuit du 15 au 16 juin 2020, un affrontement meurtrier a opposé la Chine et l’Inde dans la région montagneuse de Ladakh, au nord de l’Inde. Au cours de cet affrontement, environ 40 soldats chinois et une vingtaine de soldats indiens ont perdu la vie. Cette région frontalière entre les deux pays a toujours été source de tension. Cependant, c’est la première fois en 45 ans que la situation a occasionné des morts dans les deux camps. Selon les spécialistes, cet incident n’est qu’un symptôme des profondes tensions économiques qui opposent depuis plusieurs années les deux pays.
Le déroulement des combats ayant opposé les soldats indiens et chinois dans la nuit du 15 au 16 juin 2020 reste encore flou. Le bilan réel est toujours inconnu. Les Chinois, sans donner de détails, ont parlé de plusieurs morts de leur côté. L’Inde, quant à elle, a affirmé avoir perdu environ une vingtaine de ses soldats. Évidemment, les deux pays se sont renvoyé les responsabilités de l’incident.
Pourtant, il n’y avait eu aucun échange de tir ce soir-là entre les deux armées. L’affrontement était essentiellement du corps à corps. Les nombreux corps des victimes indiennes autopsiés témoignent de la violence des affrontements. Selon les premiers constats, il semblerait que plusieurs soldats indiens aient fait des chutes de plusieurs mètres de hauteur et soient morts par noyades. Depuis plusieurs années, New Delhi et Pékin se disputent le contrôle de la région frontalière de l’Aksaï Chin.
Toujours pour la même région, un affrontement avait déjà eu lieu entre les deux pays en 1962. Le conflit avait fait près d’un millier de victimes en un mois, et c’est la Chine qui en était ressortie victorieuse. Une ligne de démarcation avait été tracée depuis et une trêve avait été signée par les deux pays. Cependant, la Chine et l’Inde se sont plusieurs fois accusées d’avoir violé la trêve. En 1975, 5 Indiens avaient déjà trouvé la mort dans un affrontement à la frontière.
À part ces récurrentes tensions frontalières, les relations économiques entre la Chine et l’Inde n’ont pas cessé de se dégrader ces dernières années. Pour le Washington Post, la situation risque de faire voler en éclat cette paix fragile qui règne dans la région si rien n’est fait pour calmer les ardeurs. Après les affrontements du 15 juin, les deux parties ont appelé au calme, mais les tensions subsistent toujours. Plusieurs raisons peuvent expliquer cet état de choses. L’une d’entre elles est le désir manifeste de l’Inde de réduire sa dépendance économique à l’égard de la Chine.
En effet, au cours de la période 2019-2020, 14 % des importations en Inde provenaient de la Chine. Celle-ci accueillait également 5 % des exportations indiennes. L’Inde affiche ainsi une importante dépendance économique envers sa voisine. Afin de s’affranchir de cette influence chinoise, New Delhi a dû se trouver un nouveau partenaire économique. Depuis quelque temps, les États-Unis sont devenus les principaux alliés du pays.
Cela n’a pas été du gout de Pékin. L’Inde s’est donc retrouvée, sans le vouloir, au centre d’une rivalité plus grande. Celle qui fait rage depuis des décennies entre les États-Unis et la Chine. Par ailleurs, tout en renforçant les lois sur les investissements étrangers, l’Inde s’est retirée du projet d’accord de libre-échange (RCEP) initié par Pékin. Cette décision de New Delhi vient exacerber les tensions déjà vives entre les deux pays.
Au regard de la situation actuelle entre la Chine et l’Inde, devrait-on craindre que les relations économiques entre les deux pays ne se détériorent ? L’Economic Times répond par l’affirmative. Le journal indien estime qu’une meilleure relation économique entre les deux pays est nécessaire pour empêcher que de simples querelles territoriales ne dégénèrent en réelle confrontation. Ce qui s’est passé à Ladakh pourrait bien être le signe qu’un danger plus grand guette les deux pays, si leurs bonnes relations économiques ne sont pas restaurées.
En effet, une étude menée en 2008 par des économistes de l’université de Sorbonne a montré que deux pays qui sont financièrement indépendants l’un envers l’autre ont beaucoup plus de chances d’entrer dans un conflit armé. Pour les spécialistes, cela peut arriver puisque les intérêts communs sont inexistants.
Mais avec son PIB estimé à 12 800 milliards, la Chine garde la tête du classement, puisque le PIB de l’Inde n’avoisine que les 2350 milliards d’euros. Heureusement pour cette dernière, elle peut compter sur le soutien de son nouvel allié pour faire rapidement progresser son économie. Ce qui ne serait pas très avantageux pour la Chine.
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