Par Raphael Gallardo, économiste en chef
La pandémie a entraîné une baisse irréversible du PIB mondial d’environ 3 %[1] en raison de pertes irrémédiables en capital humain et social dues aux décès, aux opportunités éducatives et de formation manquées, et aux faillites d’entreprises.
Les économies des pays en développement ont été sévèrement touchées en raison du manque de marges de manœuvre budgétaires et monétaires pour amortir le choc. Par contre, les réponses décisives de la politique économique dans les marchés développés ont atténué les dommages économiques à long terme en nationalisant le risque de défaut du secteur privé. Les entreprises ont pu se concentrer sur la digitalisation, ouvrant de nouvelles voies aux gains de productivité.
Dans les économies occidentales, la monétisation des déficits budgétaires par les banques centrales a créé un excès de liquidité qui, trouvant sa voie vers l’économie réelle grâce aux transferts sociaux, a provoqué un réveil de l’inflation des biens et services. Cette irruption a ébranlé la vue complaisante des banques centrales sur la nature transitoire des chocs d’offre négatifs et a laissé la Fed en difficulté avec ses objectifs d’inflation même cinq après.
La pandémie a exposé les vulnérabilités des chaînes d’approvisionnement hyper-mondialisées et exacerbé les tensions géopolitiques. La crise a ainsi accéléré la transition de l’ordre de la Pax Americana au désordre d’un monde multipolaire.
Les injections de liquidité ont tout d’abord nourri l’inflation des prix des actifs en 2020-2021, déclenchant une aggravation des inégalités de richesse, terreau fertile pour un développement des mouvements populistes.
De plus, la crédibilité des élites a été entachée par la gestion controversée de la crise sanitaire, ouvrant la voie à une contestation politique des normes de gestion des politiques publiques. En particulier, la socialisation des pertes liées aux confinement a banalisé l’illusion d’un endettement indolore des Etats en réponse aux chocs macroéconomiques (bis repetita face au choc énergétique de 2022).Une telle dérive forcerait tôt ou tard les banques centrales à monétiser des dettes publiques devenues insoutenables, marquant l’entrée dans un régime de « dominance budgétaire » où l’inflation deviendrait rapidement incontrôlable.
Par Kevin Thozet, membre du comité d’investissement
Le mise sous cloche généralisée suivie d’une frénésie d’achat postconfinement a conduit à d’importantes fluctuations de ventes et des résultats pour les entreprises. Les espoirs de croissance des revenus à deux chiffres se sont progressivement estompés. Pour autant, nous observons une transformation durable de la consommation des biens vers les services à mesure que l’économie croît.
Une tendance qui a été amplifiée par l’environnement d’inflation élevée. Le contraste entre les constructeurs automobiles, qui pâtissent d’une baisse de la demande et d’une concurrence accrue, et les croisiéristes, qui profitent d’une hausse des résultats en raison d’une popularité renouvelée et d’une capacité de place limitée, souligne cette transformation.
La pandémie a accéléré la digitalisation dans divers secteurs, bénéficiant notamment à des entreprises comme Microsoft, Apple et Alphabet qui ont dépassé depuis les 2 000 milliards de dollars de capitalisation boursière. Les dépenses informatiques mondiales ont bondi de 4 000 milliards de dollars en 2019 à plus de 5 000 milliards attendus cette année. L’explosion des usages des données a certainement accéléré le développement de l’intelligence artificielle et son intégration subséquente au sein de divers secteurs sont plus ou moins synonyme de défis opérationnels mais aussi d’avancées significatives.
Le « quoi qu’il en coute » a largement contenu les taux de défauts pendant la pandémie. Mais depuis ils ont augmenté régulièrement . Si des secteurs comme l’immobilier où les laboratoires d’analyses continuent de faire face à de réels défis, les défaillance d’entreprises sont compatibles avec une croissance de long terme. Les marchés du crédit offrent actuellement des rendements attractifs mais nécessitent une attention particulière eu égard du risque de refinancement et des évolutions dans les chaînes d’approvisionnement.
L’adoption de politiques monétaires restrictives pour contenir la vague inflationniste, a alimenté le retour du cycle économique, et de forts mouvements de prix des actifs financiers. Avec une volatilité accrue dans la corrélation actions-taux depuis 2021, les investisseurs doivent désormais évaluer avec plus de diligence les sources de diversification de leur portefeuille et encore davantage chercher à anticiper les inflexions du cycle économique.
Par Lloyd McAllister, responsable des investissements durables
Les ciels clairs et dégagés de pollution pendant la pandémie nous ont fait croire que les confinements ont été bénéfiques pour l’environnement, mais l’impact global du Covid-19 sur l’environnement a été globalement négatif. Les améliorations temporaires de la pollution de l’air, du bruit et de l’eau ont été éclipsées par une augmentation accrue des déchets plastiques à usage unique.
La chute du PIB mondial a mis en évidence l’importance de la gestion « systémique », car la valeur des entreprises au niveau d’un portefeuille peut dépasser leur valeur individuelle, comme l’ont montré les actionnaires des sociétés de biotechnologie dont les intérêts économiques dans les vaccins Covid-19 ont eu un impact significatif sur l’ensemble de l’économie. Cette perspective est désormais appliquée à des enjeux comme la résistance aux antimicrobiens et le changement climatique, où les entreprises sont évaluées en fonction des risques systémiques et des rendements globaux du portefeuille plutôt que des profits individuels.
La pandémie a coïncidé avec un essor de l’investissement durable, souligné par l’introduction du Règlement sur la publication des informations en matière de finance durable (SFDR) en Europe. Le nombre de fonds articles 8 et 9, qui prennent en compte les enjeux ESG de manière plus explicite, a considérablement augmenté.
[1] Banque mondiale, janvier 2025
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