Photo © Jean Imbert Plaza Athénée dining room
Par Sabah Kaddouri
Entre adresses légendaires devenues institutions et tables nouvellement installées, l’offre gastronomique à Paris ne fait pas rêver que les Suisses. Le voisin français nous tente à bien des égards pour des escapades culinaires inoubliables. International Leader vous livre sa sélection coup de cœur.
A mesure que l’on remonte l’Avenue Montaigne, les belles vitrines logotypées des magasins s’estompent pour d’autres images… Bientôt, on franchira les portes de l’antre du glamour, un lieu chargé d’Histoire où l’on passera des heures inoubliables à La Table de Jean Imbert, chef étoilé à présent bien installé au Plaza Athénée. Un rendez-vous gastronomique au sommet dont la rumeur a depuis longtemps dépassée l’Hexagone. Vu de Suisse, on s’attend à une belle démonstration des savoir-faire culinaires français. Première émotion : l’entrée en majesté dans un salon de réception digne des banquets versaillais minutieusement préparés pour les festins du Roi Soleil. Gravures, dorures, sculptures, chandeliers, lustres XXL en cascade, boiseries… Le décor est éblouissant. Où que le regard se pose, une œuvre d’art esthétique égaye les sens. Ce sont près de 20 000 feuilles d’or qui parcourent la salle, des murs aux dômes du plafond gravitent autour d’une grande table royale, façonnée dans un marbre rose de Breccia.
Un écrin doté d’une atmosphère chaleureuse imaginé par le designer Rémi Tessier. Le chef Jean Imbert invite ses hôtes à un grand moment de célébration et de partage. Chez lui, la haute cuisine française est une fête. Dans une ambiance feutrée, mais jamais snob, les plats défilent dans une symphonie parfaite. L’impeccable service y contribue grandement. Deuxième, troisième… Les émotions se succèdent met après met. En entrée, il vous faut goûter la Brioche Marie-Antoinette au caviar, une recette vieille de 250 ans ! C’est un peu du patrimoine de France que l’on porte en bouche. On aurait pu aussi partir sur le Foie gras Catherine de Médicis pour s’évader encore plus loin. Vous l’aurez compris, Jean Imbert et sa brigade nous embarquent dans un véritable ascenseur émotionnel, la dégustation est un pur ravissement. Les plats nous posent bien des choix cornéliens… Partir sur le Vol-au-vent Homard et ris de veau ou cette Poularde aux légumes et riz fumé ? A vos dilemmes !
Bientôt apparaîtra le chariot de fromages et ses mille promesses. Les amateurs suisses se délecteront d’un terroir tricolore d’une grande richesse, possible qu’ici s’arrête le sempiternel débat entre les deux différentes crèmeries… La farandole de desserts parachève l’expérience d’un dîner sans pareil. Le monde s’est arrêté le temps d’une soirée au Plaza Athénée.
Rendre à César ce qui est à César. Aujourd’hui, les marques de luxe ont leurs cafés, leurs salons de thé, leurs hôtels… On s’est accoutumés à surclasser notre quotidien par des incursions griffées dans ces nouveaux lieux à la mode. Le pionnier de ce phénomène ? Le couturier de légende Giorgio Armani, un visionnaire à bien des égards. Après l’Italie, le designer a pensé à Paris, grande rivale de sa consoeur milanaise quand vient la Fashion Week. Ainsi, depuis plus de deux décennies, la Rive Gauche abrite l’extension gastronomique de l’univers Armaniesque. L’espace se divise en deux avec la trattoria (Emporio Armani Caffè) au service non-stop au rez-de-chaussée, et le restaurant étoilé Armani Ristorante, au premier étage. Entre deux sorties shopping, on peut s’offrir d’autres réjouissances en s’attablant au gastro chapeauté par l’emblématique Massimo Tringali. Un Chef passionné et fervent défenseur du Made in Italy.
Cet ancien du Royal Monceau a eu carte blanche pour concocter une carte ensoleillée, gorgée de couleurs et de saveurs, fruit de siècles de labour. Transmettre une cuisine enracinée dans les terroirs de La Botte. Les gourmets se régalent de Raviolis Genovesi au veau (une recette de Gênes), de Spaghettis al dente agrémentés de gambas rouges de Mazara qui se pêchent au large des côtes de Sicile… ce pourrait être suffisant pour nous combler gustativement… le Chef y ajoute sa touche avec de l’ail, du persil, du caviar italien Calvisius©. De quoi nous émerveiller… Restons en mer avec sa recette Mare Nostrumqui réunit un homard mi-cuit et fondant et sa sauce au poivron « cruscovoiardi » et glace à l’amaretto. Entrées et plats s’accompagnent de pains maison divinement bons. On passe un moment magique en échangeant avec le maître d’hôtel et sommelier sur ces déclinaisons de goût dont on découvre l’exquise caresse en bouche. L’Italie des desserts sait aussi nous conquérir. La mousse aux oranges Novellino de Sicile, servie avec un biscuit moelleux au citron et son sorbet à la mandarine dite agrumino, ou le tiramisu élaboré à la commande sont des musts !
Dans cette pièce transalpine en plusieurs actes, on se rappelle combien l’Italie s’illustre également en matière de design à la vue des éléments sublimant le restaurant. Alchimie de camaïeu de beiges, murs laqués, élégantes banquettes, arts de la table raffinés, ou quand la food rencontre la fashion sphère…
On continue à sillonner la Ville Lumière pour s’arrêter rue Bayen dans le 17ème arrondissement. Un emplacement qui fait courir les gastronomes de tout pays. Au piano de l’établissement, une toque qui n’est pas amarrée à un grand nom de la mode ou à un palace centenaire, mais un ancien MOF (Meilleur Ouvrier de France) au CV bien garni. Dans sa bio express, le Chef Frédéric Simonin a fait ses armes au Meurice, au Pavyllon Ledoyen ou encore chez Joël Robuchon. Après avoir ferraillé auprès des plus Grands, l’idée d’un restaurant éponyme a fait son chemin. Un pari sur lui-même gagnant depuis 2010, puisqu’il lui aura suffit d’une année pour accrocher sa première étoile Michelin. Dans son univers, Frédéric Simonin met en vedette le produit qu’il assoit sur un piédestal en embrassant la saison. Ode aux vignerons, également, qu’il célèbre en partageant avec ses convives les valeurs sûres, ses découvertes coups de cœur tout en dévoilant les pépites de demain.
Parmi ses plats signatures, les Saint-Jacques cuisinées façon baudruche, baignées dans un jus de coquillage à la citronnelle, accompagnées d’un trompe œil d’œufs de homard et d’herbes pastorales ; Le Canard laqué au miel épicé poudré d’hibiscus, condiment betteraves fumées et acidulées, calisson et blettes farcies d’olives-sarriette, sauce salmis. Une valse de saveurs et d’odeurs qui s’entrechoquent dans le palais pour un voyage sensoriel indélébile. Le Chef ose les associations de goût, révèle un caractère inventif tout en maîtrise, il s’amuse pour notre plus grand bonheur. Dans ses assiettes, aucun ingrédient ne prend le dessus : il y a une heureuse communion entre viande, légumes, épices, jus. La poésie aussi s’invite dans le dressage à travers des pétales de fleurs aux teintes chatoyantes. Des tableaux culinaires exaltant le regard au même titre qu’ils sont faits pour Instagram.
Optez soit pour l’expérience en 5 temps ou la dégustation en 8 temps, l’un comme l’autre vous deviendrez convertis à l’adresse. Le côté « appartement parisien » dans lequel le Chef nous reçoit contribue à diffuser un sentiment de maisonnée où il fait bon vivre.
1784. Ce n’est pas tous les jours que vous pousserez les portes de pareille institution. Ce n’est pas tous les jours, non plus, que vous serez invité à prendre place à la table attitrée d’un Victor Hugo ou d’un Napoléon Bonaparte…Le Grand Véfour appartient à ces adresses de légende en tête de bien des bucket lists, les épicuriens suisses savent qu’ils se priveraient d’un pan de littérature gastronomique s’ils n’y marquaient pas l’étape. Aux profanes, il convenait de planter le décor de cette « cantine » pas comme les autres. A table d’exception, Chef d’exception : Guy Martin y officie depuis 25 ans avec pour feuille de route de perpétuer le riche héritage et de rendre les gens heureux. Car, oui, le bonheur est palpable chez lui, il se mesure à l’accueil profondément chaleureux, aux généreuses portions, aux surprises du Chef, à l’atmosphère romanesque. Et puis, combien de fleurons peuvent s’offrir le luxe de restituer leurs étoiles au célèbre Guide Rouge sans perdre de leur superbe ?
Niché dans les arcades des jardins du Palais Royal, les visiteurs découvrent un lieu où le temps s’est arrêté, la salle est ornée de délicates boiseries sculptées, le plafond se pare de rosaces et guirlandes en stuc, les murs sont coiffés de miroirs comme pour mieux contempler ce bonheur qui nous est promis. Il suffira de la lecture de la carte pour qu’il monte crescendo. Il faut goûter les plats signatures tels que la création autour de Ravioles de foie gras de canard à la crème foisonnée truffée ; le Homard bleu rôti aux légumes de saison servi avec sa purée d’oignon et ses condiments aux agrumes. Côté douceurs, on commande l’Eclair à la vanille, un dessert basic qui devient joyau entre les mains de Guy Martin. Mais quel est son secret ? Sans doute, cette furieuse envie de nous procurer gaité et émotions.
Le Chef sait aussi s’aventurer sur d’autres routes avec sa délicieuse recette de Champignons blonds et tofu au lait de coco et gingembre. Voyageur, contemplateur, toujours en mouvement, l’ère Guy Martin laissera son empreinte.
Une histoire de gastronomie et de fraternité. Gemellus est un clin d’œil à l’aventure humaine des frères Maxime Le Meur, en cuisine, et Clément, au business. Depuis fin 2021, ce nouveau venu à la croisée des Invalides et de l’UNESCO, fait du bruit pour ses assiettes gourmandes, son atmosphère enveloppante, sa carte qui a déjà ses classiques et tant d’autres choses encore. Pas peu fiers d’avoir décroché leur première étoile Michelin, les deux complices ont eu raison de voler de leurs propres ailes après le George V, Apicius puis Lapérouse. A bonnes écoles, certes, mais pas chez eux pour nous recevoir comme ils le voulaient. Jour après jour, les gourmets se passent le mot pour prendre place dans cet univers lumineux où le blanc domine comme pour mieux éclairer les plats magnifiquement dressés. La carte évolue au fil des mois, au gré des saisons, pleine de surprises, on joue sur les mots, les goûts, les textures. On découvre surtout un don véritable pour les sauces qui – chez Gemellus – sont une science exacte.
Ici, on aime parler de « nuanciers » pour les créations du Chef. 2,3, jusqu’à 7 nuances à déguster en deux bouchées (végétale, florale, marine, champêtre, sucrée…). C’est bon et on aimerait faire quelques entorses à la politesse en allant vite. Appréciez plutôt le moment, la beauté des assiettes érigées en œuvres d’art céramiques et de porcelaines, car tout est soigneusement orchestré. On mange d’abord avec les yeux puis les narines, avant d’attaquer cette délicieuse truite fondante cuite à basse température et qui s’accompagne de pickles de navet ; restons en mer avec ce filet de Saint-Pierre avec avocat et pickles de mûre relevé d’une extraction de cassis… Encore une preuve d’une parfaite maîtrise des saveurs, le Chef Maxime Le Meur excelle dans les associations et dans l’art de saucer. Il faut goûter à son tiramisu renversant qui vous fera rappeler ce qu’est un vrai tiramisu ! Quant aux oenophiles, ils pourront aller choisir directement dans la cave à vins le millésime qui s’acoquinera à leurs plats.
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