BCE : les prévisions ne devraient pas céder à la volonté des « colombes » – pour l’instant

7 septembre 2025

BCE : les prévisions ne devraient pas céder à la volonté des « colombes » – pour l’instant

Par Michael Krautzberger, CIO Public Markets chez AllianzGI

•                      La Banque centrale européenne (BCE) devrait maintenir son taux d’intérêt actuel lors de sa prochaine réunion du 11 septembre, reflétant une inflation stable proche de l’objectif et des conditions économiques résilientes.

•                      Les prévisions économiques devraient afficher une légère révision à la hausse de la croissance à court terme en raison de données meilleures que prévu et d’un accord commercial entre les États-Unis et l’Union européenne qui réduit les risques de ralentissement, même si certaines incertitudes subsistent. 

•                      La BCE devrait mettre l’accent sur le caractère approprié de sa politique monétaire actuelle, avec un seuil élevé pour tout changement, de sorte que nous sommes désormais dans une phase transitoire.

•                      Dans le contexte macroéconomique et politique actuel, sur le marché des changes, nous considérons que l’exposition à l’euro par rapport au dollar américain est favorable sur le marché des devises. À l’échelle mondiale, nous privilégions un thème stratégique de pente de courbe des taux dans les portefeuilles.

En juillet, la BCE a, comme prévu, suspendu ses baisses de taux, compte tenu d’une inflation proche de son objectif, d’un sentiment économique résilient et de conditions stables sur le marché du travail. Nous avons interprété la reconnaissance de la résilience économique par la BCE comme un signal potentiellement haussier, en particulier si les vents contraires externes venaient à s’atténuer. Nous soulignons toutefois l’incertitude exceptionnelle qui entoure l’évolution du commerce mondial, en particulier les droits de douane américains et la réponse de l’Europe, qui pourraient soit déclencher de nouvelles baisses de taux, soit orienter l’attention de la BCE vers les risques d’inflation découlant de l’assouplissement budgétaire.

Au cours de la pause estivale, les discours des membres du Conseil des gouverneurs de la BCE ont été rares. Dans son discours à Jackson Hole, la présidente Lagarde a souligné la résilience du marché du travail dans la zone euro, mais a évité de commenter la politique monétaire. Toutefois, lors du Forum économique mondial à Genève le 20 août, Mme Lagarde s’est déclarée soulagée que l’accord tarifaire entre les États-Unis et l’UE se soit conclu « bien en deçà du scénario pessimiste » et a souligné la vigueur de la consommation privée et des investissements, ainsi que la « robustesse » du marché du travail qui soutient la demande intérieure.

Les périodes de communication limitée des banques centrales risquent de surpondérer les contributeurs individuels. Cela a été évident pour la Banque d’Angleterre en août, où le gouverneur Andrew Bailey, partisan d’une politique accommodante, a dominé les communications, avant que les « faucons » ne s’imposent dans le procès-verbal de la réunion, provoquant une surprise hawkish. Au sein de la BCE, c’est peut-être l’inverse qui se produit : le centriste Olli Rehn a récemment mis en garde contre la complaisance (hawkish), et le compte rendu de la réunion de juillet a révélé que le groupe des dissidents accommodants (« plusieurs ») était plus important que le groupe des « faucons » (« quelques-uns »), malgré la décision unanime. Le remplacement du membre du Conseil des gouverneurs, sans doute le plus belliciste, Robert Holzmann, gouverneur de l’OeNB, pourrait faire pencher davantage la balance. Rehn et les autres membres modérés sont confrontés à un défi : les projections du personnel de la BCE ne sont pas susceptibles de se plier à leur volonté. Nous prévoyons une légère révision à la hausse des prévisions de croissance à court terme, reflétant des données meilleures que prévu pour le premier semestre et la récente résilience du sentiment économique. Il est important de noter que l’accord commercial avec les États-Unis limite les risques de basculement à la baisse, même s’il est probablement moins favorable que le scénario de référence de la BCE pour juin.

Perspectives d’inflation

La BCE devra tenir compte de plusieurs facteurs :

•                      Hausse des prix de l’énergie : les prix du pétrole pour 2026 et 2027 sont en hausse de 3 à 5 %, ce qui ajoute environ 0,1 point de pourcentage à la prévision de l’IPCH pour 2026[1]. La baisse des prix du gaz et la hausse des prix de l’électricité devraient se compenser mutuellement.

•                      Appréciation de l’euro : l’euro a augmenté de 3 % depuis les projections de juin ; le taux de change effectif pondéré par les échanges commerciaux a augmenté de 2,3 %, ce qui devrait réduire l’inflation d’environ 0,1 point de pourcentage au cours des deux prochaines années.

•                      Taux d’intérêt défavorables : les taux implicites se sont stabilisés — les baisses à court terme sont exclues, mais les hausses futures sont reportées. Cela a fait grimper les rendements à 10 ans pour 2025, pesant légèrement sur la croissance et l’inflation.

•                      Dans l’ensemble, nous prévoyons que la BCE relèvera ses prévisions d’inflation globale pour 2026 de 0,1 point de pourcentage à 1,7 %, tout en laissant inchangées ses prévisions pour 2027 (2,0 %) et ses prévisions d’inflation sous-jacente (1,9 %).

Perspectives politiques

Nous pensons que la BCE réaffirmera que, l’inflation étant conforme à l’objectif et la croissance proche de la tendance, sa politique monétaire reste « bien orientée ». Cela implique un seuil élevé pour tout changement de politique dans un sens ou dans l’autre. Cependant, Mme Lagarde pourrait reconnaître une certaine résistance accommodante à cette décision, ou le procès-verbal pourrait le faire, comme en juillet.

Notre scénario principal est une période de taux inchangés dans la zone euro. Toutefois, au cours des prochains mois, une baisse des taux reste plus probable qu’une hausse. Si l’accord commercial entre les États-Unis et l’UE a réduit l’incertitude, son impact global sur la demande d’exportations de l’UE et le détournement des échanges commerciaux – en particulier de la part des partenaires américains plus gravement touchés comme la Chine – reste incertain. Le dollar américain pourrait s’affaiblir davantage si la Fed se lançait dans une nouvelle série de baisses de taux, en particulier si celles-ci n’étaient pas justifiées par les données économiques, ce qui soulèverait des inquiétudes quant à son engagement en faveur de la stabilité des prix. La hausse des rendements obligataires, qu’elle soit due à des facteurs externes (par exemple, des changements dans la demande à long terme) ou internes (par exemple, les troubles politiques en France), pourrait également pousser la BCE à assouplir sa politique monétaire.

[1] Source : BCE

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