Par Christopher Gannatti, Global Head of Research, WisdomTree
Dans le domaine des batteries, les automobiles ont attiré toute l’attention. On peut penser également de manière naturelle à nos plus petits dispositifs qui en utilisent aussi. L’idée de grands bateaux ou avions alimentés par des batteries amène beaucoup d’entre nous à penser naturellement qu’il existe des obstacles à une utilisation à grande échelle.
Le transport maritime est responsable du transport d’environ 11 milliards de tonnes chaque année, ce qui représente en masse 90 % du commerce international. Ce transport passe par la consommation de l’ordre de 3,5 millions de barils de combustible lourd de basse qualité.
Ce carburant contribue fortement à la pollution. Mais quel niveau de pollution ?
L’Organisation maritime internationale (OMI) a fait connaître des actions destinées à réduire les émissions maritimes en conformité avec l’Accord de Paris. L’une de leurs composantes : une réduction de 50 % des émissions de dioxyde de carbone d’ici 2050[3].
Les bateaux essaient déjà d’optimiser leurs trajets ou vont à une vitesse plus lente, ce qui peut conduire à une moindre consommation de carburant. Des travaux sont même réalisés sur des systèmes hybrides. Toutefois, qu’il s’agisse de se déplacer plus lentement ou d’utiliser des méthodes ‘hybrides’, c’est-à-dire mêler un moteur électrique à un moteur à combustion interne, il est actuellement estimé que la réduction des émissions se situerait dans une fourchette de 10 à 15 %, ce qui est mieux que rien mais qui est loin d’atteindre 50 %[4].
Qu’il s’agisse de voler dans les airs, se déplacer sur le sol ou de propulser un navire sur la mer, il est assez simple de savoir combien d’énergie est nécessaire pour chacun de ces modes de transport. Ici, nous tenons compte de la source de cette énergie et il est important de noter que n’importe quelle source peut théoriquement être utilisée, mais qu’il existe certains compromis avant de faire un choix.
Le plus simple de ces compromis revient à la ‘densité énergétique’, c’est-à-dire la quantité d’énergie qui peut être extraite par unité de poids. Les combustibles hydrocarburés ont une densité énergétique nettement supérieure à celle des batteries actuelles, et c’est la raison pour laquelle les gens auront tendance à citer le poids de la batterie dans un véhicule électrique ou le fait que d’ajouter des batteries aux avions en augmente fortement le poids qu’il est difficile de compenser. Selon le type de carburant dont on parle et de la chimie spécifique des batteries, des statistiques indiquent que les combustibles hydrocarburés sont de 50 à 100 fois plus denses en énergie que les batteries actuelles[5].
En un mot, avec les combustibles hydrocarburés vous obtenez la même quantité d’énergie en contrepartie d’un poids sensiblement moindre.
Maintenant, dans un porte-conteneurs géant, le poids est une préoccupation bien moindre que dans le cas d’un engin volant. Il peut même y avoir des avantages à répartir le poids dans le bateau afin que celui-ci flotte sur l’eau de manière plus uniforme.
Si l’on examine la configuration actuelle qui produit beaucoup de pollution et où l’augmentation progressive du poids n’est pas la principale inquiétude, le transport maritime pourrait offrir un rendement bien meilleur.
Il est intéressant d’imaginer les fondateurs de Fleetzero se poser la question clé : au lieu d’essayer d’utiliser des batteries sur les plus grands bateaux actuels afin de remplacer leur carburant sale, générateur de pollution, ils ont reconnu que la raison pour laquelle les bateaux opéraient de la façon dont ils opéraient, avec la capacité de faire le tour du monde avec un seul plein de carburant, s’explique par le rythme historique d’innovation qui a conduit à cette situation. Des bateaux plus petits qui s’arrêtent plus fréquemment dans différents ports pourraient utiliser de manière beaucoup plus facile la technologie des batteries comme source d’alimentation[6].
Au lieu de modifier des navires qui étaient optimisés pour les carburants fossiles, pourquoi ne pas repenser la construction et l’exploitation des navires en fonction de la technologie des batteries ?
L’innovation de Fleetzero est d’inclure des batteries de la taille de conteneurs qui seraient chargés et déchargés du bateau et chargés en électricité durant les horaires où le prix de l’électricité est le plus faible. La société est sur le point de construire ces prototypes de batteries et à terme elle cherchera à construire des navires tout entier. Les clients expriment déjà une demande en faveur d’un « transport maritime zéro carbone », à l’image d’Ikea, de Patagonia et d’Amazon qui se posent déjà la question avec comme date butoir 2040[7].
Il convient de souligner que cette approche permettra des innovations dans la technologie des batteries qui se reflètera dans le chargement et le déchargement des batteries du bateau, de sorte que de nouveaux systèmes de stockage de l’énergie deviendront dominants et ils pourront être utilisés et exploités par les systèmes de Fleetzero.
Le monde accordant la priorité au changement climatique, il existe une raison majeure de continuer à trouver différentes manières de stocker efficacement l’énergie pour une utilisation à la demande. L’approvisionnement en énergie est presque illimité : imaginez si nous pouvions efficacement capturer toute l’énergie solaire qui touche la Terre lors d’un jour donné. Mais le défi est de la convertir sous une forme stockable et utilisable au besoin. Un si grand nombre de technologies différentes est actuellement à l’étude que nous sommes certains que les prochaines décennies seront témoins de progrès imprévisibles.
[1] Source : Kersey et al. Juillet 2022.
2 Source: https://www.infineon.com/cms/en/discoveries/electrified-ships/
3 Source : Kersey et al. Juillet 2022.
4 Source : Kersey et al. Juillet 2022.
5 Afin de citer un chiffre exact, il convient de spécifier un type précis de carburant et un type précis de chimie des batteries. Ce n’était pas l’objet de cet article, mais il convient de souligner qu’il existe de nombreuses sources potentielles à approfondir davantage.
6 Source : Adele Peters. « This start-up designed an electric cargo ship to cross the ocean. » Fast Company. Le 6 avril 2022.
7 Source : Mme Peters, le 6 avril 2022.
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