Le mois d’octobre a été tout sauf facile pour les investisseurs. Comme le reflète notre indice de sentiment de marché préféré, le VIX, la volatilité a bondi à 25 au cours du mois, son plus haut niveau depuis le Jour de la Libération. Les investisseurs ont dû faire face à une série de défis, notamment la poursuite du bras de fer entre la Chine et les États-Unis avant la réunion prévue en Corée du Sud, ainsi que des inquiétudes quant à la santé du secteur bancaire américain de petite et moyenne taille, après plusieurs défauts de paiement inattendus d’établissements de renom. Les investisseurs ont en outre dû naviguer sur les marchés sans filet de sécurité gouvernemental : le Japon a entamé le mois sans Premier ministre, la France semblait plongée dans le chaos et incapable de former un gouvernement de coalition stable, tandis que le gouvernement américain restait paralysé.
Sur les actions, les optimistes attendaient quant à eux les résultats du troisième trimestre et les nouvelles annonces sur l’IA. Il est impressionnant de constater que les actions liées à l’IA ont représenté 75 % des rendements du S&P 500, 80 % de la croissance des bénéfices et 90 % de la croissance des dépenses d’investissement depuis le lancement de ChatGPT en novembre 2022.[1]
Et, alors que nous clôturons le mois d’octobre, tout va bien !
En octobre, la plupart des principales courbes obligataires souveraines ont connu un léger mouvement de bull-flattening, les données de prix ne montrant aucun signe d’accélération. L’activité mondiale est restée robuste, la croissance du troisième trimestre ayant dépassé les estimations tant en Chine que dans la zone euro, et les décisions de politique monétaire des banques centrales étant globalement conformes aux attentes. L’exception notable fut le Royaume-Uni, où les rendements des Gilts ont reculé de 20 à 30 points de base sur l’ensemble de la courbe, la partie longue surperformant. Le catalyseur fut une baisse inattendue de l’inflation sous-jacente à 3,5 %, incitant les investisseurs à réévaluer la probabilité d’une réduction du taux directeur de la Banque d’Angleterre en décembre.
Parallèlement, l’inflation de l’IPCH (indice des prix à la consommation harmonisé) de la zone euro a ralenti à 2,1 % en glissement annuel en octobre, contre 2,2 % en septembre, renforçant le consensus selon lequel les droits de douane s’avèrent désinflationnistes en dehors des États-Unis. En revanche, la hausse prévue de l’inflation aux États-Unis due aux droits de douane ne s’est pas matérialisée.
L’une des rares publications de données notables a montré que l’inflation globale et l’inflation sous-jacente aux États-Unis s’établissaient toutes les deux à 3,0 % en glissement annuel, soit un niveau inférieur aux attentes. Avec quatre mois de recul depuis la mise en œuvre des « tarifs de libération », les preuves indiquent de manière constante que, pour chaque dollar américain de hausse des coûts tarifaires, les entreprises n’ont répercuté qu’environ 0,26 $ sur les consommateurs. [2]
Étant donné que les biens de base représentent 18 % de l’inflation globale et 23 % du panier de l’inflation sous-jacente, l’effet temporaire des droits de douane sur l’inflation – en prenant 17,9 % [3] comme taux moyen des droits de douane et un transfert de 26 % – équivaut à une hausse de 0,86 % pour l’inflation globale et de 1,08 % pour l’inflation sous-jacente. Cela suggère qu’une fois ces effets ponctuels sortis de l’indice l’année prochaine, l’inflation américaine devrait se rapprocher de l’objectif de 2 % du FOMC (Federal Open Market Committee).
Parmi les trois grandes réunions des banques centrales cette semaine – la Banque du Japon, la BCE et le FOMC – c’est la Réserve fédérale qui a suscité le plus d’enthousiasme. Bien que les décisions du Comité aient été conformes aux attentes, le FOMC a abaissé la fourchette cible du taux des fonds fédéraux de 25 points de base, à 3,75 %–4,00 %, et a effectivement mis fin au resserrement quantitatif (QT) en annonçant l’arrêt de la réduction de son bilan à compter du 1er décembre.
La surprise est venue lors de la conférence de presse, pendant laquelle le président Powell a adopté un ton particulièrement agressif, déclarant qu’« une nouvelle réduction du taux directeur lors de la réunion de décembre n’est pas une fatalité ». [4] Il s’est montré optimiste quant à la croissance économique, confiant sur le marché du travail et a noté que l’impact des tarifs sur l’inflation PCE (dépenses de consommation personnelle) semble se situer entre 0,5 % et 0,6 %, soit un niveau inférieur aux prévisions initiales. 4
Dans l’ensemble, les commentaires de Powell visaient davantage à préserver la flexibilité de la politique monétaire qu’à indiquer un cap prédéterminé, notamment dans un contexte d’incertitude accrue liée à la rareté des données économiques causée par le shutdown gouvernemental. En réaction, le marché des taux d’intérêt au jour le jour a révisé à la baisse la probabilité d’une nouvelle baisse de taux en décembre, passant de 98 % à 60 %.[5]
Le crédit corporate a connu un mois solide, toutes les sous-classes d’actifs (crédit américain, européen et marchés émergents) générant des rendements totaux positifs. Le crédit des marchés émergents s’est particulièrement distingué, surperformant tant dans le segment investment grade que dans celui du high yield. Les marchés émergents ont retrouvé les faveurs des investisseurs, soutenus par des flux de capitaux réguliers depuis l’été, totalisant 16,6 milliards de dollars depuis le début de l’année. [6] L’assouplissement des conditions financières mondiales, conjugué à une série de développements géopolitiques positifs, a incité les investisseurs à revoir leur positionnement : la surperformance du crédit des Marchés Emergents par rapport à leurs homologues américains et européens a accru l’urgence de combler d’éventuels sous-pondérations.
Le mois d’octobre a également été riche en événements géopolitiques positifs. Le Japon a nommé un nouveau Premier ministre, Sanae Takaichi, dont on s’attend à ce qu’elle poursuive une politique inspirée de l’Abenomics, axée sur l’assouplissement monétaire, la relance budgétaire et les réformes structurelles. En Argentine, le parti libertarien du président Javier Milei a remporté une victoire majeure lors des élections législatives de mi-mandat, redonnant un élan à son programme de réformes économiques libérales.
Cependant, c’est le président Trump qui a dominé les gros titres et soutenu le moral des marchés en octobre. Il a d’abord obtenu un accord de cessez-le-feu entre Israël et le Hamas, qui est entré en vigueur le 10 octobre. Il a ensuite pris un virage spectaculaire en se détournant de la Russie, imposant de nouvelles sanctions aux géants pétroliers russes Rosneft et Lukoil, invoquant le manque d’engagement sincère de Moscou en faveur de la paix en Ukraine.
L’étape suivante de l’agenda américain fut le Sommet de l’APEC en Corée du Sud, où le président Trump a annoncé une série d’accords majeurs de commerce et d’investissement avec le Japon et la Corée du Sud.
Ces accords ont abouti à l’engagement du Japon d’investir jusqu’à 550 milliards USD aux États-Unis via des fonds liés au gouvernement, tandis que la Corée du Sud s’est engagée à 350 milliards USD, dont 150 milliards USD pour la construction navale et 200 milliards USD dans un cadre d’investissement plus large. En contrepartie, les États-Unis ont accepté de ramener les taux de droits de douane réciproques à 15 % pour les deux pays. [7]
Le point culminant du mois fut la rencontre très attendue entre le président Trump et le président Xi, leur premier face-à-face en six ans. La réunion, à en croire tous les observateurs, s’est déroulée de manière exemplaire.
Avant les discussions, Xi a déclaré : « J’ai toujours cru que le développement de la Chine allait de pair avec votre vision visant à rendre l’Amérique à nouveau grande. » Trump, de son côté, s’est montré enthousiaste, qualifiant les échanges de « 12 sur 10 » [8].
La rencontre s’est conclue par un accord commercial global, dans lequel les États-Unis ont accepté de réduire de moitié les tarifs liés au fentanyl sur les produits chinois, avec effet immédiat, ramenant le taux global de droits de douane sur la Chine à 20 %, soit son niveau antérieur au Jour de la Libération. En retour, la Chine s’est engagée à reprendre ses achats massifs de soja américain, promettant un minimum de 25 millions de tonnes par an pendant trois ans, et à suspendre son régime de licences pour les terres rares pendant au moins un an. De plus, les deux dirigeants ont convenu de renforcer leur coopération sur les questions liées à l’Ukraine.[9]
Les marchés des devises et des matières premières ont réagi en conséquence. Le dollar américain s’est apprécié par rapport aux principales devises mondiales, sous l’effet des commentaires inattendus de la banque centrale et de l’optimisme suscité par les récents accords commerciaux, qui devraient attirer d’importants investissements directs étrangers aux États-Unis. Le yen japonais, quant à lui, a sous-performé, s’affaiblissant globalement en ligne avec le programme de type « Abenomics » du nouveau Premier ministre.
Les prix de l’énergie ont terminé le mois en légère baisse, les signes croissants de surproduction à l’approche de 2026 ayant compensé l’impact des sanctions imposées aux fournisseurs russes. Les métaux, en revanche, ont poursuivi leur rallye : les métaux précieux ont bénéficié d’un rebond de la demande (le palladium a progressé de 14 % sur le mois), tandis que les métaux industriels ont augmenté en raison de contraintes d’offre, menés par le cuivre, en hausse de 6 %.
Enfin, les marchés actions ont prolongé leur « melt-up » en octobre, l’indice Bloomberg World Large & Mid Cap progressant de 2 %, porté par les solides performances des marchés asiatiques. Le Nikkei 225 a gagné plus de 14 %, mais a été dépassé par l’indice KOSPI sud-coréen, qui a bondi de 15,7 %. Aux États-Unis, les valeurs technologiques ont continué à mener le bal, le Nasdaq progressant de plus de 4 %.
En ce qui concerne l’Intelligence Artificielle, lors du sommet de l’APEC, le PDG de NVIDIA, Jensen Huang, a souligné que les améliorations continues des modèles d’IA stimulent les investissements dans cette technologie, créant ainsi un « cercle vertueux » d’innovation et de croissance. Il a précisé que nous sommes au début d’une décennie de construction d’une nouvelle ère technologique. [10]
Pour conclure, il convient de noter que la capitalisation boursière combinée de NVIDIA et Microsoft est désormais supérieure à celle de l’ensemble du marché actions japonais ! (Voir le graphique de la semaine).
Graphique de la semaine : NVIDIA + Microsoft dominent-ils le monde ?
Source: Bloomberg, as of 31st October 2025. For illustrative purposes only.
References:
[1] JP Morgan, Eye on the Market, “The Blob: Capital, China, Chips, Chicago and Chilliwack,” September 24, 2025
[2] Bloomberg, “US REACT: CPI Seals Deal for Half Point of Fed Cuts This Year,” October 24, 2025
[3] The Budget Lab at Yale, “State of US Tariffs: October 30, 2025,” October 30, 2025
[4] Deutsche Bank Research, “October FOMC recap: Dec not a done deal,” October 29, 2025
[5] Bloomberg, as of October 31, 2025
[6] JP Morgan, “EM Corporate Weekly Monitor,” October 24, 2025
[7] Bloomberg, “How Trump Got a $900 Billion Promise From Japan and South Korea,” October 29, 2025
[8] Bloomberg, Australian Financial Review, “Albo cashes in on Trump’s 12-out-of-10 deal that plays for time,” October 30, 2025
[9] UBS Research, October 31, 2025
[10] Bloomberg, CNBC, “Nvidia CEO Jensen Huang
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