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Une hausse de plus de 500 % en cinq ans. Après une telle remontée, peut-on continuer à envisager l’avenir du secteur européen de la défense avec optimisme ? Certaines hausses spectaculaires, comme celles qui ont profité de la période de confinement liée à la Covid, s’effondrent rapidement. D’autres, comme la vague de l’intelligence artificielle (IA), ne montrent toujours pas de signes de faiblesse après trois ans, en raison du potentiel associé à cette technologie. Et la défense européenne ? Nous pensons qu’en cas de menace perçue comme durable, la propension à investir pourrait être très élevée et de nombreux obstacles pourraient être levés.
La situation de l’armée européenne peut être résumée en quelques mots : 30 ans de sous-investissement et de laissez-faire (l’Europe a laissé les Américains agir) depuis la chute du rideau de fer ; l’attaque de l’Ukraine ; les déclarations claires de la Maison Blanche selon lesquelles l’Europe doit se défendre elle-même ; les drones sur le territoire européen de l’OTAN. Il en a résulté, d’une part, un revirement politique, des augmentations budgétaires – notamment en Allemagne, en Europe du Nord et en Europe de l’Est – et, d’autre part, des restrictions budgétaires – en France, en Espagne et en Italie –, la bureaucratie européenne et la prise de conscience que les capacités de production ne peuvent être mises en place du jour au lendemain. En d’autres termes, nous nous attendons à ce que la situation soit quelque peu instable à court terme et que les attentes puissent être déçues. À moyen terme, nous sommes convaincus que le réarmement européen représente un changement structurel qui pourrait donner un élan au secteur pendant de nombreuses années. Madeleine Ronner, gestionnaire de fonds actions mondiales chez DWS, commente : « Il y a un an, presque toutes les positions dans le secteur de la défense permettaient de surperformer le marché. Aujourd’hui, il faut être beaucoup plus sélectif. Même parmi nos favoris, les valorisations semblent assez élevées. Mais compte tenu des perspectives de croissance actuelles, elles devraient être en mesure de les justifier. »
Le graphique illustre cette dynamique. Par rapport à l’ensemble du marché, le secteur de la défense a connu une évolution nettement plus favorable au cours des cinq dernières années et la prime de valorisation (qui n’existait pas encore en 2021) n’a cessé d’augmenter. Sur la base des bénéfices des douze derniers mois, il est désormais deux fois plus cher que l’ensemble du marché. En juillet, il avait même atteint un pic trois fois supérieur.
Nous pensons toutefois que le secteur pourrait également offrir certains avantages :
1. Des revenus à long terme, relativement prévisibles et financés par l’État.
2. Des économies d’échelle importantes grâce à l’augmentation des capacités et à un levier opérationnel élevé en raison de coûts fixes élevés.
3. Une croissance des bénéfices potentiellement plus élevée pendant plusieurs années. Si l’on évalue le secteur sur la base des bénéfices attendus dans trois à cinq ans, la prime fond rapidement.
Ces prévisions reposent sur les hypothèses suivantes : les dépenses de défense de l’Europe passeront de 2 % du produit intérieur brut (PIB) actuellement à 3 % d’ici 20301), puis à 3-4 % à terme. Les dépenses matérielles augmentent actuellement au détriment des dépenses de personnel. Selon l’IISS2), environ la moitié des dépenses devraient rester dans l’industrie européenne, dont les conditions-cadres devraient également être améliorées par les responsables politiques. Une plus grande flexibilité est nécessaire, car comme le montre la guerre en Ukraine, la technologie et la conduite de la guerre évoluent rapidement. Cela rend d’autant plus importante la sélection des titres dans ce secteur, car les entreprises ne sont pas toutes aussi bien préparées. Il convient également de garder à l’œil l’ensemble de la chaîne de valeur ainsi que les secteurs connexes tels que l’aéronautique et la cybersécurité. Néanmoins, nous partons du principe que le secteur de la défense conservera son dynamisme tant que l’Europe ne se sentira pas en sécurité.
1) Oxford Economics, « Europe’s defence splurge will help industry – but by how much? » (Les dépenses de défense européennes aideront l’industrie, mais dans quelle mesure ?), 25 mars 2025. Selon la Commission européenne, « Preserving Peace – Defence Readiness Roadmap 2030 », du 16 octobre 2025, il faudrait un investissement annuel supplémentaire d’au moins 288 milliards d’euros au cours des dix prochaines années pour atteindre le nouvel objectif central de 3,5 % du PIB consacré aux dépenses de défense d’ici 2035 (hors dépenses pour la protection des infrastructures critiques). Ce montant est du même ordre de grandeur que le budget d’investissement annuel consacré aux infrastructures d’IA par les quatre grands hyperscalers Meta, Alphabet, Amazon et Microsoft à eux seuls (CNBC, « Tech megacaps plan to spend more than $300 billion in 2025 as AI race intensifies », 8 février 2025).
2) Institut international d’études stratégiques (IISS), « Building Defence Capacity in Europe: An Assessment », novembre 2024
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