Dans un monde en perpétuelle mutation, secoué par les conflits, les tensions géopolitiques et les bouleversements économiques, l’idée d’une Europe unifiée n’a peut-être jamais été aussi nécessaire – ni aussi urgente. Et si l’Europe ne se contentait plus d’être une union de nations, mais devenait une véritable nation ? Une entité politique, économique et diplomatique cohérente, capable de peser sur les équilibres mondiaux. Une Europe fédérale, dotée d’un État fort, respectueuse des spécificités régionales, mais résolument tournée vers l’avenir. Aujourd’hui, l’Union européenne fonctionne comme un compromis permanent. Elle est un assemblage complexe d’intérêts nationaux, de souverainetés jalousement gardées et d’institutions souvent perçues comme lointaines. Elle avance à petits pas, ballotée entre le désir d’unité et les poussées nationalistes. Elle agit souvent avec lenteur, parfois avec confusion, face à des puissances comme les États-Unis, la Chine ou la Russie, qui elles n’ont pas ce luxe de l’hésitation.
Et pourtant, jamais l’idée d’une Europe forte n’a été aussi vitale. Car nous entrons dans une nouvelle ère. Une ère où les blocs s’affirment sans retenue. Où la loi du plus fort remplace les équilibres diplomatiques. Où la guerre, que l’on croyait reléguée aux livres d’histoire sur notre continent, est revenue frapper à nos portes. Dans ce monde brutal, l’Europe, si elle reste divisée, risque de devenir un simple terrain de jeu pour les autres. Un spectateur impuissant, voire une cible. Faut-il alors rêver d’une Europe-nation ? Pourquoi pas. Après tout, d’autres unions ont réussi ce pari. Les États-Unis, l’Inde ou le Brésil sont autant de fédérations qui ont su unir des peuples, des langues, des histoires différentes sous une même bannière. L’idée n’est pas de nier les identités nationales. La Bavière continue d’exister en Allemagne, le Texas conserve ses particularités aux États-Unis, et la Catalogne ne s’efface pas dans l’Espagne moderne. Il ne s’agirait donc pas pour la France, l’Italie ou la Suède d’abandonner leur culture ou leur autonomie locale, mais de partager davantage les leviers de la souveraineté pour bâtir un destin commun.
Un État européen, fédéral, pourrait ainsi parler d’une seule voix sur la scène internationale, disposer d’une armée européenne cohérente, d’une politique étrangère claire, et d’un budget digne de ses ambitions. Il pourrait affirmer des valeurs démocratiques et sociales dans un monde qui glisse vers l’autoritarisme. Il pourrait peser dans les négociations commerciales, investir massivement dans la recherche, la transition énergétique ou la défense, et offrir à ses citoyens une réelle sécurité, au sens large du terme.
Bien sûr, une telle transformation ne se décrète pas. Elle suppose un changement profond des mentalités, une nouvelle génération politique, et sans doute aussi un élan citoyen inédit. Cela semble utopique ? Peut-être. Mais l’histoire nous enseigne que les grandes avancées ont souvent commencé par des rêves. Et peut-être aussi que l’utopie d’hier est la nécessité de demain. Aujourd’hui, les menaces qui pèsent sur l’Europe sont trop sérieuses pour continuer à faire du surplace. Les réponses locales ne suffiront plus face aux défis globaux. Le climat, la technologie, les migrations, la sécurité, tout cela dépasse les frontières nationales. Ce n’est qu’en pensant et agissant à l’échelle du continent que l’Europe pourra redevenir un acteur et non une victime du nouvel ordre mondial.
L’heure n’est plus à la peur de perdre quelque chose, mais au courage de construire ensemble. Car ce n’est pas l’Europe en tant qu’idée qui est en danger. C’est l’Europe en tant que puissance. Et si nous ne la repensons pas aujourd’hui, il se pourrait bien qu’elle ne soit plus qu’un souvenir demain.
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