Les marchés voteraient-ils pour le populisme ?

7 octobre 2024

Les marchés voteraient-ils pour le populisme ?

Par Stefan Hofrichter, Chef Economiste chez AllianzGI

Les discours populistes ont été omniprésents au cours de cette année électorale chargée. 

Les populistes peuvent enthousiasmer de nombreux électeurs, mais les marchés ne sont souvent pas favorables à l’augmentation des dépenses, à l’inflation et à la baisse de la croissance que leurs politiques tendent à entraîner.

Quelles sont les implications du populisme pour les investisseurs ?

Nos recherches montrent que les marchés ont tendance à enregistrer de mauvaises performances à long terme lorsque des politiques populistes sont adoptées.

Le populisme pourrait gagner du terrain

La part des gouvernements populistes a augmenté depuis le début des années 1980. Au niveau mondial, la part de voix des populistes a atteint environ 25 % juste avant la crise de Covid-19[1].

L’ascension du populisme depuis lors est moins évidente, malgré de récentes poussées populistes dans de nombreux pays comme l’Inde, la France et l’Allemagne.

Aux États-Unis, la polarisation politique s’est accentuée ces dernières années. M. Trump est souvent considéré – à juste titre – comme l’incarnation du populisme américain contemporain.

Le populisme devrait donc rester une tendance politique influente à l’avenir.

Les inégalités et l’immigration sont la clé de la montée du populisme

Parmi les raisons expliquant le soutien apporté au populisme ces dernières années, deux facteurs jouent un rôle important : les inégalités et l’immigration. Plus récemment, le coût du financement de la guerre en Ukraine et de la transition écologique ont également contribué à la popularité de l’extrême droite aux élections européennes. De même que le sentiment durable d’injustice engendré par les soutiens des gouvernements aux banques de lors la crise financière ou l’aide apportée à certaines économies périphériques de la zone euro pendant la crise de la dette européenne.

Néanmoins, aucun des facteurs susmentionnés ne peut totalement expliquer le soutien grandissant aux populistes. C’est pourquoi il est également important de reconnaître l’influence des fake news sur les médias sociaux, qui alimentent le sentiment d’injustice sociale, ainsi que la perte de la mémoire collective lié aux dictatures et aux guerres.

Quel impact économique ?

Les recherches suggèrent que la croissance économique a tendance à souffrir considérablement sous les gouvernements populistes[2]. La croissance économique peut être inférieure de 0,6 à 1 point de pourcentage par an dans les cinq à 15 ans qui suivent l’installation d’un gouvernement populiste. Il est vrai que ceux-ci ont tendance à stimuler leur économie en augmentant les dépenses et en réduisant les impôts dans un premier temps, mais le ralentissement de la croissance commence généralement deux ou trois ans plus tard :

– Le commerce international a tendance à être réduit lorsque les populistes font passer les intérêts de leur économie en premier et augmentent les droits de douane.

– Les ratios dette publique/PIB augmentent en même temps que les dépenses, ce qui ralentit généralement la croissance à long terme.

– L’inflation augmente en raison de la stimulation de la demande et de la baisse du commerce international.

– La liberté, érodée par certains gouvernements populistes extrêmes[3], tend pourtant à contribuer à une plus grande prospérité[4] .

Impact sur le marché : résultats décevants

Nos recherches ont porté sur l’évolution à long terme des marchés financiers après l’arrivée d’un populiste à la tête d’un gouvernement. Nous avons analysé les rendements réels médians (ajustés à l’inflation) (en dollars US) pour les trois, cinq, dix et quinze années à partir de l’année où un gouvernement populiste est entré en fonction et comparé les résultats aux rendements réels à long terme des marchés financiers[5].

  1. Obligations : un endettement plus élevé peut se traduire par des rendements plus faibles

La performance annuelle des obligations sous les populistes au cours des trois premières années a été de 1,9 %, soit à peu près la même que la performance du marché obligataire mondial à long terme. Les performances ont diminué au cours des cinq années suivantes, avec des rendements de 0,7 % inférieurs à la moyenne des obligations à long terme L’augmentation du ratio dette publique/PIB sous les populistes tend à peser sur les rendements obligataires.

  1. Actions : des performances décevantes à long terme

Les rendements des actions ont été solides au cours des trois premières années (environ 6 % par an), mais faibles au cours des années suivantes, chutant presque à 0 % chaque année sur 15 ans. À titre de comparaison, les rendements à long terme des actions américaines sont proches de 7 % et ceux des actions non américaines sont proches de 5 %.

Cette performance décevante semble conforme à l’impact négatif à long terme sur la croissance économique. La stabilité initiale des actions est cohérente avec la politique fiscale expansionniste menée par les populistes et la stabilité du taux de croissance économique au cours des deux ou trois premières années d’un gouvernement populiste.

  1. Forex : le ralentissement de la croissance pèse sur les devises

Notre analyse montre que les monnaies ont tendance à baisser en termes réels à long terme, résultat de la combinaison d’une croissance plus faible, d’une inflation plus élevée, d’une dette publique plus importante et d’une moindre ouverture financière.

Facteurs d’investissement à prendre en compte sous les populistes

  1. Davantage d’inflation et des revenus plus faibles en raison de la démondialisation

Les populistes ont tendance à rejeter l’idée qu’une plus grande intégration économique est bénéfique. Ils sont généralement favorables à des droits de douane plus élevés et à d’autres barrières commerciales, ce qui peut entraîner une hausse de l’inflation. La démondialisation entraîne une croissance moindre de la productivité à long terme, car l’accès aux technologies qui améliorent la productivité est entravé.

L’inflation pourrait également devenir plus volatile, les prix étant davantage liés à l’offre et à la demande locales qu’aux marchés commerciaux internationaux. Une inflation et une volatilité accrues de l’inflation se traduisent par des multiples d’actions plus faibles.

La déglobalisation a également des répercussions sur les marchés du travail. La diminution de l’immigration entraîne une réduction de l’offre de main-d’œuvre et, par conséquent, un renforcement du pouvoir de négociation des travailleurs. Des salaires plus élevés pourraient attiser les pressions inflationnistes, peser sur les marges des entreprises et sur les valorisations des actions et des obligations.

  1. Hausse des taux d’intérêt et risque d’effondrement du marché obligataire

Des politiques gouvernementales plus dispendieuses peuvent faire grimper les taux d’intérêt. Un tel scénario augmenterait la probabilité que les taux d’intérêt restent plus élevés que sous un gouvernement non populiste. Une explosion des dépenses publiques augmente le risque de réévaluation des marchés obligataires, généralement un processus graduel.

  1. Le facteur pays entre à nouveau en ligne de compte

Les gouvernements populistes ont tendance à donner la priorité à leur économie nationale en stimulant les dépenses et en renforçant les barrières commerciales afin de protéger les entreprises locales. Pour les investisseurs, cela signifie qu’ils doivent examiner plus attentivement la politique d’un pays lorsqu’ils sélectionnent des actifs.

La gestion active peut aider à négocier un monde populiste

La montée du populisme est un signal clair de la part des électeurs qui se sentent laissés pour compte par la mondialisation. Toutefois, les populistes ne parviennent souvent pas à réduire les inégalités et peuvent nuire à la croissance économique et aux performances du marché à long terme. Il est certain que d’autres facteurs – notamment la valorisation et les tendances structurelles de la croissance – restent importants pour les investisseurs à long terme. Mais le populisme doit être pris en compte plutôt que traité passivement, car il peut entraîner des bouleversements. Les gérants actifs qui comprennent les dimensions économiques de la politique peuvent aider les investisseurs à tirer parti des opportunités et à gérer les risques associés à cette puissante force politique.

[1] Populist Leaders and the Economy, par Manuel Funke, Moritz Schularick et Christoph Trebesch, American Economic Review, décembre 2023.

2 Populist Leaders and the Economy, par Manuel Funke, Moritz Schularick et Christoph Trebesch, American Economic Review, décembre 2023.

3 FIW_2024_DigitalBooklet.pdf (freedomhouse.org) ; Populist Leaders and the Economy, par Manuel Funke, Moritz Schularick et Christoph Trebesch, American Economic Review, décembre 2023.

4 Democracy Does Cause Growth, par Daron Acemoglu, Suresh Naidu, Pacual Restrepo, James A. Robinson, Journal of Political Economy, janvier 2019.

Retrouvez l’ensemble de nos articles Business

Recommandé pour vous

A la Une
Où en sommes-nous actuellement sur les marchés financiers ?
Par Prof. Dr. Jan Viebig, Chief Investment Officer, ODDO BHF SE Les investisseur…
A la Une
Muzinich & Co.: Weekly Update – Toujours dansant
La semaine a peut-être été mauvaise pour les marchés obligataires, mais&nbs…
A la Une
La BCE s’apprête à baisser à nouveau ses taux d’intérêt en octobre
Par Ulrike Kastens, Économiste Europe Comme l’évaluation des marchés et de…
A la Une
Coup de frein : Les défis de l’automobile face aux véhicules électriques (VE)
Par Luca Manera, Investment manager, Asteria IM & Song Jie, Senior RI Resear…
A la Une
Muzinich & Co.: Weekly Update – mélange des genres
Bienvenue au quatrième trimestre, qui est traditionnellement la période la plus …
A la Une
Automobiles européennes / vote attendu sur la taxation des véhicules électriques chinois – Carmignac
Par Kevin Thozet, membre du comité d’investissement de Carmignac,  De l’éc…