Par Dries Cornilly, Investment Manager chez Asteria IM
La production d’électricité représente actuellement 34 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES). Le basculement aux énergies renouvelables est essentiel pour atténuer le changement climatique et maintenir le réchauffement de la planète à 1,5°C. Les investissements dans les entreprises énergétiques à faibles émissions de GES peuvent contribuer de manière significative à la réalisation des objectifs climatiques. Les évaluations régionales et les analyses de cycle de vie (ACV) sont essentielles pour établir des comparaisons équitables entre les énergies renouvelables et les énergies fossiles. L’intensité des émissions évitées d’une entreprise est un indicateur utile pour hiérarchiser les investissements et gérer le risque carbone dans le contexte de l’évolution des mécanismes de tarification du carbone. L’impact de ces investissements varie d’un pays à l’autre, reflétant les mixes énergétiques et les politiques existantes.
Il est judicieux d’investir dans des entreprises ayant des portefeuilles énergétiques durables. On entend par « attractif » la capacité d’une entreprise à réduire ses émissions de GES par rapport à un scénario de référence pertinent. Pour toute entreprise du secteur de l’énergie, nous estimons les émissions évitées par rapport à un scénario de référence en fonction du lieu où l’entreprise produit l’électricité. Des émissions énergétiques supérieures ou inférieures à leur scénario de référence détermine si la contribution des sources d’énergie renouvelables à la réduction des émissions de gaz à effet de serre et à la réalisation des objectifs de protection du climat est positive. Pour que la comparaison soit juste, cette analyse comparative des énergies renouvelables et celles de combustibles fossiles doit inclure les facteurs du cycle de vie : mise en service, maintenance et démantèlement. La figure 1 illustre ce point en montrant les émissions évitées. Les valeurs de GES pour les différentes technologies proviennent du rapport spécial du GIEC sur les sources d’énergie renouvelables et l’atténuation du changement climatique.
Figure 1. Calcul de l’impact comparatif des GES à l’aide de l’approche d’ACV
Source: World Resources Institute, Asteria IM.
Un exemple serait celui d’une entreprise américaine de services aux collectivités dont tous les revenus proviennent de la production d’électricité. Son bouquet énergétique est composé de 35 % d’énergies renouvelables, 39 % d’énergies fossiles et 23 % d’énergies nucléaires, avec une intensité de GES sur l’ensemble du cycle de vie de 205 tCO2e par GWh généré. Étant donné que l’entreprise est active aux États-Unis, cette intensité est comparée à la valeur américaine de 398 tCO2e/GWh. Par conséquent, les émissions de CO2e évitées grâce à la détention de cette entreprise sont de 193 tCO2e par GWh généré, même si les énergies renouvelables représentent moins de 50 % de sa capacité de production. Le nucléaire, avec une intensité de cycle de vie de 16 tCO2e/GWh, contribue à améliorer l’intensité de production globale de l’entreprise. La question de savoir si le nucléaire est durable ou non est une discussion distincte que nous n’aborderons pas ici.
En revanche, une entreprise portugaise de services aux collectivités, dont 40 % des revenus proviennent de la production d’électricité et dont 74 % de la production est d’origine renouvelable, semble plus propre. Pourtant, avec la moitié de sa production de combustibles fossiles provenant du charbon, l’intensité totale de ses GES sur l’ensemble de son cycle de vie est de 191 tCO2/GWh. Par rapport à l’intensité de référence du Portugal de 131 tCO2e/GWh, cela se traduit par une intensité négative des émissions évitées de -60 tCO2e/GWh. L’entreprise semble donc plus propre qu’elle ne l’est lorsqu’on la compare à un point de référence approprié.
L’intensité des émissions évitées est un indicateur important pour évaluer et hiérarchiser les investissements dans les entreprises ou dans les actifs de production d’électricité. Elle prend en compte le mix énergétique d’une entreprise et un scénario de référence approprié. Une entreprise disposant de 100 % d’énergies renouvelables dans un pays propre peut avoir une intensité d’émissions évitées plus faible qu’une entreprise disposant de 50 % d’énergies renouvelables dans un pays à forte production à partir de charbon. Cette mesure est pertinente pour les investissements en actions et obligataires sur les marchés publics et privés. À mesure que la tarification du carbone se généralisera, l’allocation des investissements basée sur l’intensité des émissions évitées pourrait devenir stratégique pour la gestion du risque carbone.
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