Par Mobeen Tahir, Director, Macroeconomic Research & Tactical Solutions, WisdomTree
Nous voyons les véhicules électriques (VE) comme des machines nécessitant une énergie électrique provenant d’un réseau. Nous savons qu’un grand pourcentage du coût, du poids, du volume et de la complexité d’un VE réside dans sa batterie. Si la batterie est le composant le plus précieux d’un VE, peut-elle être utilisée d’une meilleure façon ? La technologie véhicule-réseau (V2G) nous permet de traiter les VE comme des batteries sur roues. Plutôt que d’avoir un véhicule qui ne fait que prélever de l’énergie sur le réseau, le V2G lui permet également de restituer de l’énergie au réseau et de créer ce qu’on appelle une « recharge bidirectionnelle ».
L’agence internationale de l’énergie (AIE) a déclaré que, dans un scénario net zéro, la capacité de stockage de batterie mondiale devrait être multipliée par 17 d’ici 2030 par rapport à 2020[1]. Ce que l’AIE ne spécifie pas, c’est si le stockage doit être stationnaire ou mobile. La capacité stationnaire, sous la forme de grands systèmes de stockage d’énergie, se développe rapidement mais reste dérisoire par rapport à la croissance des batteries, qui devrait être stimulée par les véhicules électriques (voir Graphique 1 ci-dessous). Il est donc pertinent de mieux utiliser la forme de stockage d’énergie qui a la croissance la plus rapide.
Source : WisdomTree, Wood Mackenzie, prévisions de 2023. Les prévisions ne sont pas un indicateur des performances futures et tout investissement est soumis à des risques et des incertitudes.
Le stockage d’énergie est aussi plus susceptible d’être efficace s’il est bien distribué. L’objectif du stockage d’énergie est de gérer l’intermittence des énergies renouvelables. Un stockage d’énergie bien distribué au sein du réseau pourrait aider à mieux gérer l’offre et la demande et à réduire les pertes de transmission. Les véhicules électriques sont répartis au sein du réseau, puisqu’ils sont garés près de leurs propriétaires.
Les voitures de particuliers sont généralement garées environ 95 % du temps[2]. Cela signifie que, pendant 95 % du temps, les consommateurs paient pour la commodité d’avoir une voiture qu’ils peuvent conduire pendant les 5 % du temps restant. Si la voiture, quand elle n’est pas conduite, peut être utilisée pour stocker de l’énergie, nous pourrions l’utiliser 100 % du temps.
Les consommateurs qui rechargent leurs véhicules électriques chez eux utilisent généralement un tarif variable pour charger à moindres frais pendant les heures creuses. Non seulement cela est moins cher pour le consommateur, mais cela aide également à gérer la charge du réseau. Avec la recharge bidirectionnelle, le consommateur pourrait recharger à moindres frais pendant les heures creuses et restituer de l’énergie au réseau pendant les heures pleines à un tarif plus élevé. La voiture, grâce à sa batterie, pourrait potentiellement aider l’utilisateur à générer des revenus.
Cette approche pourrait également créer des économies conséquentes si les propriétaires ou les entreprises installent des panneaux solaires. Le coût du stockage par batterie pourrait être une partie importante des coûts initiaux totaux de tels systèmes. Sans besoin d’une autre batterie pour la voiture, une économie de capital significative a immédiatement lieu. Combinée à la technologie solaire de cette manière, cette approche devient encore plus attrayante, car le consommateur peut produire sa propre énergie et la vendre au réseau pendant les heures pleines au tarif le plus intéressant.
Qu’en est-il de la durée de vie des batteries ? Il est reconnu que l’usure des batteries dépend de plusieurs facteurs. Parmi ces facteurs se trouve la fréquence à laquelle le niveau de charge atteint un extrême (qu’il soit entièrement chargé ou entièrement déchargé). Les producteurs de VE recommandent souvent de ne pas charger à plus de 80 %. Il est également conseillé de ne pas laisser la charge descendre trop bas pour préserver la durée de vie de la batterie et, bien sûr, pour ne pas risquer de rester bloqué sur la route. Une étude de l’Université de Warwick en 2017[3] a découvert qu’utiliser une batterie de VE dans un scénario V2G ne nuit pas à sa performance, et l’améliore peut-être. Si davantage de recherches sont nécessaires pour déterminer définitivement l’impact du V2G sur la durée de vie des batteries, il existe des moyens d’exécuter le processus de façon optimale pour maximiser leur longévité.
L’IA peut aider à optimiser le moment et la magnitude du transfert d’énergie entre le véhicule et le réseau. Quand le consommateur devrait-il recharger, quand conserver la charge, et quand la restituer au réseau ? Cette optimisation prendrait en compte les habitudes de consommation de l’utilisateur afin que la batterie soit toujours suffisamment chargée pour les trajets routiers et que tout excédent soit revendu au réseau. Les systèmes d’IA peuvent également surveiller et prédire la santé et la performance de la batterie, encourageant un entretien proactif pour assurer la longévité et la fiabilité des batteries.
Du point de vue du réseau, le V2G ajoute une nouvelle variable à prendre en compte, en plus des phénomènes tels que les schémas météorologiques qui déterminent la génération d’électricité des énergies renouvelables. Dans ce cas, les schémas de consommation des utilisateurs auront besoin d’être prévus pour mieux gérer l’offre et la demande. Aujourd’hui, les gestionnaires de réseaux doivent faire correspondre l’offre à une demande raisonnablement prévisible. Une fois que les consommateurs font partie de la gamme d’offres, prédire l’approvisionnement devient encore plus difficile, rendant le rôle des systèmes d’IA encore plus important.
Ce n’est pas de la science-fiction. Comme pour beaucoup de choses, la réglementation joue un rôle crucial. L’État de Californie, qui cherche agressivement à réduire les émissions de carbone, et qui a interdit l’année dernière la vente de véhicules à moteur à combustion interne à partir de 2035, réfléchit à un projet de loi déposé auprès de l’Assemblée législative de l’État qui ordonnerait que tous les VE vendus en Californie aient une capacité V2G intégrée. Cela signifie que le V2G a déjà attiré l’attention des responsables politiques. Il s’agit d’un signe encourageant, car il pourrait permettre de progresser davantage pour surmonter les obstacles réglementaires avant que les propriétaires de VE ne commencent à vendre de l’énergie au réseau.
Plusieurs constructeurs automobiles ont déjà présenté des modèles de VE capables de faire de la recharge bidirectionnelle (par exemple la Nissan Leaf, la Ford F150 et la Kia EV6). En attendant qu’elle soit plus largement adoptée, le V2G pourrait être une façon pour les constructeurs automobiles de gagner un avantage compétitif. Étant donné que la plupart des constructeurs automobiles ont désormais appris à fabriquer un véhicule électrique, ils disposent d’une plus grande marge de manœuvre pour relever le prochain défi technique, qui, selon de nombreux observateurs, ne sera pas trop difficile.
Nissan a déjà un partenariat avec Eon pour promouvoir l’utilisation de la technologie V2G. Le livre blanc d’Eon sur le sujet présente des informations plus détaillées.
Chez WisdomTree, nous pensons que le V2G est une technologie émergente enthousiasmante au sein de la chaîne de valeur des batteries. Les VE, leurs batteries et l’écosystème au sein duquel ils opèrent promettent des innovations enthousiasmantes et de nombreux changement dans la façon dont nous alimentons nos voitures, nos domiciles et nos vies. Pour les investisseurs, une approche diversifiée au sein de la chaîne de valeur des batteries pourrait être une façon de gagner de l’exposition à un large éventail de possibilités. Elles incluent les technologies utilisées aujourd’hui, telles que la production de batteries lithium-ion, mais aussi les technologies émergentes telles que le V2G et d’autres.
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[1] Agence internationale de l’énergie, 2022.
[2] Basé sur le projet « Unparking » du Massachusetts Institute of Technology, 2020.
[3] https://wrap.warwick.ac.uk/88018/
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