Les ultra-riches français sont-ils plus pingres que les autres ?

5 avril 2022

Les ultra-riches français sont-ils plus pingres que les autres ?

Si aux États-Unis les milliardaires y vont à grand renfort de coups médiatiques pour annoncer les montants de leurs dons gigantesques, en France il n’en est rien. Il est même quasiment impossible de trouver des données à ce sujet. Est-ce par discrétion ou par manque de don ? Chaque culture a sa façon d’appréhender le don et la charité. Comment cela se passe-t-il ailleurs ? Et qu’en est-il en France pour que l’on se demande si nos grandes familles, les ultra-riches, sont pingres ?

La charité dans le reste du monde

Selon le rapport du China Global Philanthropic Institue, « Les 100 plus grandes familles philanthropiques au monde », il apparaît qu’une seule famille française fait partie de cette liste. Sur cette liste de 100 familles, seules 23 nationalités ressortent :

  • 35 % sont originaires du continent américain dont 32 % des États-Unis,
  • 37 % sont asiatiques, dont 24 % d’origine chinoise,
  • 21 % sont d’origine européenne, dont 6 % sont britanniques, 5 % russes et 1 % françaises,
  • 5 % sont australiennes et
  • 2 % sont africaines.

Aux États-Unis, les dons des plus riches ne représentent que 25 % du montant total des dons. Les donations de particuliers ou les legs par testament représentent quatre fois plus que les dons des fondations créées par les plus riches. En France, 1 % des donateurs les plus généreux représentent 23 % des dons collectés. Le libéralisme pratiqué outre-Atlantique favorise le charity business où les plus riches vont cultiver la philosophie de rendre la communauté.

La France relève d’un système de redistribution où l’État Providence veille à financer toutes sortes de programmes ou associations. La flexibilité juridique va aussi favoriser la création de fondations, non seulement pour des raisons humaines et d’égalité, mais elles peuvent aussi investir pour générer plus d’argent. Le fonctionnement est très réglementé en France et les grandes fondations sont sous le contrôle de la Cour des Comptes. Et le profit n’est pas autorisé. Autre aspect, il est impossible de déshériter ses descendants en France. Donc aucune grande famille ne fera jamais d’annonce comme donner 90 % de sa fortune à des fondations ou actions caritatives.

La charité en France

Pour illustrer ici nos propos, prenons l’exemple de l’incendie de Notre-Dame en avril 2019 et la générosité suscitée. Bernard Arnault (PDG du groupe LVMH et première fortune française estimée à 150 milliards de dollars) et la famille Pinault (groupe Kering et troisième fortune française estimée à 42,3 milliards de dollars) font chacun une promesse de dons de 200 et 100 millions d’euros.

Le groupe L’Oréal (détenu par la famille Bettencourt Meyers) s’engage à hauteur de 50 millions d’euros. Parallèlement, la famille Bettencourt Meyers (deuxième fortune française estimée à 73,6 milliards de dollars) s’engage pour 150 millions d’euros à travers la Fondation Bettencourt Schueller et la holding familiale Téthys. Cela représente une bonne part des 900 millions d’euros de dons en vue de la reconstruction de Notre-Dame de Paris.

La masse des Français donne 25,8 millions d’euros (236 146 petits bienfaiteurs avec 109 euros chacun en moyenne). Pourquoi détailler tous ces chiffres pour cet élan de solidarité spécifique, me direz-vous ? Parce que ces dons ont réveillé les passions autour de la défiscalisation. 

Un contribuable lambda obtient une réduction d’impôt de 66 % du montant donné, dans la limite de 20 % du montant imposable. Lorsque l’on paie l’ISF, aujourd’hui IFI, on obtient une réduction d’impôt de 75 % du montant donné, dans la limite de 50 000 euros. Voilà donc où la polémique se situe : la France est au milieu du mouvement des Gilets jaunes, les grandes familles donnent des centaines de millions d’euros et vont obtenir une réduction d’impôt. Face à cela, la famille Pinault, en tête, renonce publiquement à sa déduction d’impôt sur ce don.

Alors pingres les ultra-riches français ? Non, pas forcément. Discrets, sûrement. Notre culture judéo-chrétienne, même si nous sommes dans une société plutôt déchristianisée, s’appuie sur le principe selon lequel lorsqu’on fait l’aumône, on ne le claironne pas devant soi. C’est après tout le sermon de Jésus sur la Montagne et c’est sûrement un principe ancré dans nos façons de faire. Riches ou non, nous ne faisons pas dans l’ostentatoire en matière de charité. Et riches ou moins riches, les Français sont plutôt généreux et ils n’attendent rien en retour. 

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