Photo © The Vendom Company
Interview de Laetitia Girard Directrice Générale The Vendom Company
International Leader : Depuis l’âge moderne au XIXe siècle, le luxe était porté par de petites entreprises familiales indépendantes qui composaient une industrie artisanale. Elles s’adressaient à un public restreint. Aujourd’hui, on assiste à une démocratisation du luxe. Le luxe serait-il en phase de se généraliser au point de devenir un concept galvaudé ?
Laetitia Girard : Il est vrai que, depuis ces dernières années, le luxe est devenu un véritable concept commercial en dehors de tout savoir-faire particulier. On parle de luxe pour du café, des cosmétiques, etc. Le fait est que les grandes maisons de luxe ont aussi souhaité « démocratiser » leurs produits pour toucher d’autres publics, plus jeunes, moins argentés. Toutefois, la plus large part de ces maisons n’a pas abandonné les objets d’exception manufacturés, voire en série limitée. Prenons les collections de prêt-à-porter, ou les adresses « lifestyle », ce peut être aussi une manière pour les grandes marques de luxe de s’intégrer à l’environnement des générations qui seront leur clientèle de demain. Les professionnels du luxe préfèrent désormais le concept « d’excellence » à celui de « luxe ». Les gens qui ont les moyens de pouvoir consommer les marques de luxe peuvent tout acquérir, leur vrai plaisir est de se sentir différent, exceptionnel. Quoi de plus personnel qu’un objet unique, créé par la main d’un artisan hautement qualifié ?
D’ailleurs, même chez les plus jeunes souvent un bel objet vintage rare est plus apprécié qu’un produit industriel.
Comme dirait Paul Iribe, l’artiste créateur du graphisme appliqué sur le flacon d’Arpège de Lanvin en donnait cette définition : « Luxe : besoin qui commence où finit la nécessité… »
International Leader : Entre saturation, déception et phénomène de démocratisation, certains consommateurs se sont tournés vers les enseignes mettant en avant le concept de l’ultra luxe. Comment s’assurer l’attention des consommateurs d’ultra luxe ?
Laetitia Girard : « Luxe », « ultra luxe », sont des curseurs que l’on déplace pour justifier de sa position de marque très haut de gamme. Si l’on regarde du côté des métiers de services comme l’hôtellerie, mais aussi au niveau de la création et de la vente, on peut se rendre compte que cette notion « d’ultra luxe » ne s’applique plus seulement au degré d’exceptionnalité d’un environnement, de produits, mais de plus en plus à la qualité des échanges entre le client et le professionnel. Le credo de tout leader du luxe est désormais recentré sur l’individu dans toutes ses spécificités : sociale, culturelle, familiale, etc. On ne s’adresse plus à un client seulement, mais à une personne. En cela les marques qui peuvent se qualifier « ultra luxe » sont capables de fidéliser leurs clients, en leur faisant comprendre que chacun est unique et exceptionnel pour elles.
International Leader : Dans un environnement aussi incertain que celui lié au COVID-19, on observe qu’une marque de luxe telle qu’Hermès signe l’une des meilleures performances pendant la pandémie, avec un gain de 32%, contre 23% pour LVMH. Comment expliquez-vous ce résultat ?
Laetitia Girard : Déjà nous parlons là de deux entités quelque peu différentes dans leur forme. Le groupe LVMH porte de nombreuses maisons aux activités très diversifiées : vins et spiritueux, maroquinerie, joaillerie, hôtellerie. De là vient peut-être la différence de performance. Cette dernière année a connu des restreintes en matière d’exportation des alcools, de développement de l’hôtellerie, secteurs dans lesquels LVMH est très présent.
Toutefois, si l’on se fie aux bons résultats d’Hermès, la preuve est faite une nouvelle fois que des marques possédant un savoir-faire unique trouveront toujours leur public. On ne peut se lasser du beau, de la perfection. A une époque où les richesses sont si concentrées, les marques se doivent de conserver un très haut niveau d’exigence.
International Leader : La recherche de l’excellence permet de faire en sorte que tout soit mis en place pour proposer ce qu’il y a de mieux. C’est dans cette vision que vous avez a créé votre entreprise. Comment The Vendôm Company peut-elle accompagner les marques de luxe à faire la différence ?
Laetitia Girard : L’équipe de The Vendom Company étant composée de professionnels du luxe, je pense que notre différence s’inscrit dans deux aspects essentiels. Nous sommes, avant tout, des gens de terrain, qui écoutons, conversons et partageons personnellement avec nos membres, afin de leur apporter les solutions les plus adaptées à leurs exigences. Ensuite, depuis ces deux dernières années, nous avons créé de nombreux partenariats avec des professionnels qui possèdent d’autres savoir-faire que les nôtres et, ceci, afin de pouvoir bénéficier d’une vision à 360°. Coaches, MOF, écoles, etc. notre réseau offre ainsi un maillage serré des meilleurs professionnels et consultants du luxe. C’est ainsi que nous pouvons accompagner les marques afin de leur permettre de mieux se distinguer ; en leur offrant un soutien à toutes les étapes et quel que soit le type de développement visé, quelle que soit la phase d’avancement de leur projet. Avoir une vision nette de ce que l’on souhaite apporter et où l’on veut aller est une condition sine qua non au succès d’une entreprise. Mais, de l’intérieur, il est parfois difficile de prendre assez de hauteur pour envisager la chose globalement. C’est ce que nous désirons offrir à nos clients, les meilleurs experts qui les aideront à tirer vers leur haut toutes leurs prospectives.
International Leader : Passée de réceptionniste d’hôtel à directrice des opérations, et titulaire d’un MBA en hôtellerie, vous êtes depuis 2015 à la tête de The Vendôm Company. Qu’est-ce qui vous fait encore rêver dans cet univers du luxe ?
Laetitia Girard : Le luxe est en lui-même le rêve ! Je ne parle pas de rêve ostentatoire, qui en impose, mais du désir et la volonté de toujours faire mieux, de voir plus loin. En ce sens, je pense que le secteur du luxe vit une époque merveilleuse, tournée de plus en plus, comme je le disais, vers l’humain, la qualité des relations entre professionnel et client, mais aussi entre collaborateurs. De plus, les grandes marques de luxe s’engagent de plus en plus sur les questions centrales de nos sociétés aujourd’hui : éco-responsabilité, éthique, etc. Elles ont les moyens de devenir de formidables laboratoires pour guider les pratiques vertueuses de demain. Le luxe doit donner l’exemple. C’est un immense défi, mais c’est aussi très excitant !
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