Une fête aurait pu se tenir à Bagdad où tout a commencé ce 14 septembre 1960. Mais les restrictions liées à la COVID19 l’ont fait reporter à une date ultérieure. L’organisation est d’ailleurs plus préoccupée par des défis colossaux et n’aurait pas eu le cœur à la fête. La pandémie n’arrange pas les chiffres. Le transport dans le monde est au ralenti car les travailleurs sont à la maison et que les avions volent peu. Nous découvrirons dans cet article le chemin parcouru et les défis de l’OPEP pour les prochaines années.
Voilà six décennies que l’Arabie saoudite, l’Iran et le Koweït se sont associés à l’initiative du Venezuela pour créer l’Organisation des Pays Exportateurs de Pétrole (OPEP). Leur objectif était de réaliser l’équilibre des pouvoirs entre les Etats producteurs et les multinationales du pétrole. Les cinq pays fondateurs ont été rejoints les années suivantes par la Lybie, les Emirats arabes unis, l’Algérie, le Nigéria, l’Equateur et le Gabon. A partir des années 70, l’organisation atteint son apogée. Les pays membres de l’OPEP représentaient alors plus de la moitié de l’offre mondiale. Leur puissance leur permit même d’imposer un embargo contre Israël et les pays occidentaux qui le soutiennent lors de la guerre du Kippour. Le prix du baril a aussi grimpé jusqu’à 40 dollars en 1979. Mais à partir des années 80, la tendance s’inversa et l’organisation subit différents chocs qui créèrent une réussite en dents de scie.
Dès 1986 en effet, l’offre devint supérieure à la demande. Et les coûts du baril commencèrent à chuter. Même si dans les années 2000, la demande chinoise fit exploser les coûts, l’instabilité était devenue courante. L’organisation devait travailler à réguler le marché et surtout gérer des rivalités diplomatiques. Il lui fallait aussi compter avec la financiarisation du marché du pétrole induisant l’apparition des marchés à termes. L’émergence des pays concurrents tels que le Mexique, la Norvège, le Royaume-Uni et la Russie n’arrangea pas les affaires de l’OPEP. En 21014, le pétrole de schiste des américains qui fit son apparition sur le marché entraina une grave chute des prix. Enfin, la venue sur le marché des nouveaux producteurs conduisit à la création de l’« OPEP+ ». L’OPEP ne représentait dès lors que le tiers du marché de l’or noir et dut dorénavant compter avec les dix nouveaux alliés de la nouvelle organisation.
Au cœur de la crise en avril dernier, les pays de l’OPEP ont tenu une réunion par visioconférence pour discuter des moyens de garantir les conditions d’équilibre pour une reprise du marché. Toutes ces années après, ce souci d’équilibre entre les acteurs du marché de l’or noir est donc toujours d’actualité. C’est d’ailleurs l’enjeu principalement discuté lors des réunions désormais mensuelles des ministres des pays membres de l’organisation. Il faut dire que la crise sanitaire de cette année 2020 a eu de sérieuses conséquences sur la demande mondiale qui a chuté du tiers. L’OPEP et l’OPEP+ ont donc décidé par conséquent de réduire massivement leur production pour redresser les cours. Mais là se trouve le premier défi de l’organisation.
Il faut en réalité que l’OPEP trouve le mécanisme de contrôle et de régulation des cours du pétrole. Ce mécanisme doit être contraire à la décision volontaire des membres d’augmenter ou de baisser leur production. Le second défi de l’OPEP est de pouvoir rendre les cours du pétrole indépendants des conflits politiques et militaires. Le marché du pétrole est très vite affecté dès que les deux gros producteurs que sont l’Iran et l’Arabie saoudite sont en rapport de force. Quand les deux géants aux positionnements variables que sont la Russie et les États-Unis rentrent en jeu, le marché connait aussi de grosses pertubations. Le troisième défi que doit prendre en compte l’OPEP est la montée progressive de la consommation des énergies renouvelables. Consommer vert n’est plus un enjeu économique, mais de plus en plus politique et culturel.
L’OPEP risque d’être souvent en déséquilibre sur plusieurs aspects. Le premier facteur est la dépendance toujours accrue de l’économie mondiale pour la consommation de l’or noir. Le pétrole restera donc la mine la plus prisée. Le second facteur est l’instrument de puissance géopolitique qu’il continue d’être. L’offre et la demande continueront en conséquence d’être guidées par les intérêts stratégiques du monde en mouvement. Toutefois, l’OPEP ne perdra pas sa position tant que le pétrole sera consommé, car ses pays membres ont encore d’abondantes réserves.
Ce sont cependant les divergences internes qui finiront par effriter le bloc et créer sa dislocation. Les pays membres ont des désaccords politiques et économiques de plus en plus marqués. En témoigne le départ du Qatar de l’OPEP. Par ailleurs, l’organisation connait une double vitesse sur la fixation du prix. C’est sans doute le plus gros sujet de dissensions. En réalité, le coût du baril serait rentable à 20 dollars pour le plus gros producteur qu’est l’Arabie saoudite. Or les pays comme le Venezuela, l’Algérie et le Nigéria devraient vendre le baril à partir de 80 dollars pour faire des profits. Le fossé se creuse profondément et les intérêts risquent d’être plus divergents. Certains pays pour qui les hydrocarbures représentent 90 % des revenus nationaux seront poussés vers la porte ce qui serait somme toute préjudiciable pour une grande partie des consommateurs.
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